par Charles-Henri d'Andigné
Encore un livre sur la Révolution française ! Oui, sauf que celui de Philippe Pichot-Bravard offre un intérêt inédit, celui d’intégrer les travaux récents des meilleurs historiens sur la question. Depuis quelques années, en effet, plusieurs auteurs ont profondément renouvelé notre vision du phénomène révolutionnaire. On pense en particulier à Jean de Viguerie, auteur d’Histoire et dictionnaire du temps des Lumières et d’une belle biographie de Louis XVI ; à Xavier Martin, qui à travers ses essais scanne impitoyablement l’idéologie des Lumières ; à Frédéric Rouvillois, auteur de L’Invention du progrès. Aux origines de la pensée totalitaire.
Pour l’historien Philippe Pichot-Bravard, le fil rouge de la Révolution, c’est la régénération. Les hommes de 1789 ont voulu non pas réformer la France, comme a tenté de le faire Louis XVI, mais mettre en place une France nouvelle, et donc un homme nouveau, selon des principes abstraits. Il s’agit de régénérer le pays, de régénérer l’homme. Cette ambition « régénératrice » mènera au régime jacobin, dont on peut dire qu’il est la première expérience totalitaire du monde contemporain.
Au XVIIIe siècle, s’impose une idéologie qui veut du passé faire table rase, invente le progrès, diffuse une nouvelle conception de la connaissance. Une nouvelle conception de la société aussi, due notamment à Locke, à Hobbes, à Rousseau. Pour eux, l’homme à l’état de nature est isolé ; ce n’est que par intérêt qu’il s’associe avec ses semblables, avec lesquels il conclut un pacte social. Ce contrat donne naissance à des institutions et à un droit qui sont donc artificiels – et modelables à loisir. Et pour faire tenir ensemble des êtres que rien ne relie entre eux, sinon leur égoïsme, il faudra avoir recours à la contrainte, à la propagande, à l’État. La Révolution ne s’en privera pas.
Philippe Pichot-Bravard cite un texte de Saint-Just dans lequel le député « vertueux » appelle tranquillement l’État à s’immiscer dans les moindres recoins de la vie intime, puisque « l’enfant, le citoyen appartiennent à la patrie ». On croirait du Taubira. Ou du Peillon, dont l’auteur cite les propos suivants : « La Révolution implique l’oubli total de ce qui précède la Révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qu’opère dans l’école et par l’école cette nouvelle Église, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses tables de la loi ». Lignes extraites d’un livre dont le titre dit tout : La Révolution française n’est pas terminée.
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Avant la Révolution, point de Constitution. Il semble parfois, au détour d’un propos léger ou d’un livre académique, que l’histoire de France débute en 1789. L’homme moderne tend à voir l’Ancien Régime comme une sorte de préhistoire un peu barbare. La France aurait des racines monarchiques, un peu comme l’homme descend du singe. La période anté-révolutionnaire est la longue nuit du non-droit, dont la fin est commencée par l’aurore des Lumières.
C’est ce préjugé ridicule, et pourtant si commun, que Philippe Pichot-Bravard bat en brèche dans ce livre remarquable et admirable qu’est Conserver l’ordre constitutionnel (XVIe-XIXe siècle). Docteur en droit, il dresse un tableau de trois siècles de lois fondamentales, avec autant de rigueur que de finesse, à l’aide d’une documentation fournie.
Philippe Pichot-Bavard commence son récit au XVIè siècle.
Avant les guerres de religion, les juristes distinguent la volonté éternelle du Roi et la volonté temporelle, et passagère, du roi. Il y a, d’une part, les lois du royaume, qui sont immuables, et, d’autre part, les lois du roi, qui sont modifiables. Bien que gouvernant par conseil, le roi est le gardien suprême de l’ordre constitutionnel formé par les lois du royaume. Celles-ci visent à garantir le règne de la justice de Dieu dans le royaume. Les lois sont légitimées non pas par leur origine, le respect d’une procédure, mais par leur finalité, qui doit être la justice.
Les graves désordres des guerres de religion renforcent,in fine, la puissance de l’Etat. Néanmoins, sa finalité n’est plus la justice, mais sa propre conservation. L’Etat justicier, protecteur des libertés, devient un Etat-puissance, que les élites considèrent de plus en plus souvent comme une menace envers les libertés. Peu confiant dans l’humanité, les élites intellectuelles commencent à rechercher la protection des libertés ailleurs que dans la vertu du roi et de ses conseils. Pour eux, la loi est légitime parce qu’elle a respecté la procédure légale. A la suite de Montesquieu, la protection des libertés ne se fait plus dans la vertu des hommes, mais dans la vertu d’une constitution équilibrée. Au même moment, le triomphe des idées cartésiennes fait émerger le contractualisme.
La Révolution de 1789 s’inscrit dans la lignée de ces courants idéologiques. Sa volonté de régénérer la nation provoque un incroyable mouvement législatif, et les débordements que l’on connaît.
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Du même auteur :
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Le Souverain et le Droit
Avant la Révolution, point de Constitution. Il semble parfois, au détour d’un propos léger ou d’un livre académique, que l’histoire de France débute en 1789. L’homme moderne tend à voir l’Ancien Régime comme une sorte de préhistoire un peu barbare. La France aurait des racines monarchiques, un peu comme l’homme descend du singe. La période anté-révolutionnaire est la longue nuit du non-droit, dont la fin est commencée par l’aurore des Lumières.
C’est ce préjugé ridicule, et pourtant si commun, que Philippe Pichot-Bravard bat en brèche dans ce livre remarquable et admirable qu’est Conserver l’ordre constitutionnel (XVIe-XIXe siècle). Docteur en droit, il dresse un tableau de trois siècles de lois fondamentales, avec autant de rigueur que de finesse, à l’aide d’une documentation fournie.
Philippe Pichot-Bavard commence son récit au XVIè siècle.
Avant les guerres de religion, les juristes distinguent la volonté éternelle du Roi et la volonté temporelle, et passagère, du roi. Il y a, d’une part, les lois du royaume, qui sont immuables, et, d’autre part, les lois du roi, qui sont modifiables. Bien que gouvernant par conseil, le roi est le gardien suprême de l’ordre constitutionnel formé par les lois du royaume. Celles-ci visent à garantir le règne de la justice de Dieu dans le royaume. Les lois sont légitimées non pas par leur origine, le respect d’une procédure, mais par leur finalité, qui doit être la justice.
Les graves désordres des guerres de religion renforcent,in fine, la puissance de l’Etat. Néanmoins, sa finalité n’est plus la justice, mais sa propre conservation. L’Etat justicier, protecteur des libertés, devient un Etat-puissance, que les élites considèrent de plus en plus souvent comme une menace envers les libertés. Peu confiant dans l’humanité, les élites intellectuelles commencent à rechercher la protection des libertés ailleurs que dans la vertu du roi et de ses conseils. Pour eux, la loi est légitime parce qu’elle a respecté la procédure légale. A la suite de Montesquieu, la protection des libertés ne se fait plus dans la vertu des hommes, mais dans la vertu d’une constitution équilibrée. Au même moment, le triomphe des idées cartésiennes fait émerger le contractualisme.
La Révolution de 1789 s’inscrit dans la lignée de ces courants idéologiques. Sa volonté de régénérer la nation provoque un incroyable mouvement législatif, et les débordements que l’on connaît.
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