Jules Ferry, un athée qui se croyait
de "race supérieure"
Par MARC FAYAD
Jules Ferry fut l'artisan de l'école laïque, mais aussi un colonisateur.
Pour lui, la France avait "le devoir de civiliser les races inférieures".
L'école, la République, la laïcité et la colonisation sont des piliers de notre histoire et de la société qui a émergé au XIXe siècle. Aujourd'hui, ces sujets suscitent de vifs débats, comme à l'époque de Jules Ferry. Athée, amoureux de la République et haineux envers la royauté, les idées de Jules Ferry ont donné à la France les traits de son visage actuel. Ce que l'on associe le plus souvent à son nom est sans aucun doute sa politique scolaire, qui a contribué à installer la République.
Lors de son mandat en tant que ministre de l'Instruction publique dans le cabinet Freycinet, puis comme président du Conseil de 1880 à 1881, Jules Ferry va éliminer l'influence de l'Église sur l'école et instituer un enseignement fondamentalement laïque. Le 15 mars 1879, il dépose à la Chambre deux projets de loi : l'un prévoyant une réforme du Conseil supérieur de l'instruction publique et le second un aménagement substantiel de l'enseignement supérieur. Une déclaration de guerre au clergé et les premières pierres de la laïcité. En effet, Jules Ferry veut éjecter les ecclésiastiques des conseils académiques et des facultés d'État. L'article 7 du second projet interdit aux membres des congrégations non autorisées d'enseigner : 500 congrégations sont concernées, dont les très influents jésuites, les maristes et les dominicains.
Renforcer la laïcité
Fervent républicain athée et franc-maçon issu d'une riche famille de libres penseurs de Saint-Dié (Vosges), Jules Ferry donne aux enseignants des congrégations catholiques le même délai pour se mettre en règle avec la loi ou quitter l'enseignement. Ces mesures viennent en réaction aux excès de la loi Falloux, votée trente ans plus tôt sous la IIe République, qui accordait aux congrégations religieuses une liberté totale sur l'enseignement. Le 29 mars 1880, le ministre de l'Instruction publique Jules Ferry prend deux décrets par lesquels il ordonne aux jésuites de quitter l'enseignement dans les trois mois. S'ensuit en 1880 une série de projets visant à renforcer cette laïcité, rendre gratuite l'école et transformer l'enseignement des jeunes filles (loi Camille Sée). Entre 1881 et 1884, plusieurs lois seront votées autour d'une pensée indissoluble : "gratuité, obligation, laïcité".
Dans un discours à la Chambre des députés le 6 juin 1889, Jules Ferry s'exprimait ainsi : "Ce système d'éducation nationale qui relie, dans un cadre à la fois puissant et souple, l'école élémentaire aux plus hautes parties du savoir humain ; ce système d'éducation nationale au frontispice duquel on n'a pas craint d'écrire que, de la part de la société, l'enseignement est un devoir de justice envers les citoyens, que la société doit à tous le nécessaire du savoir pratique, et l'avènement aux degrés successifs de la culture intellectuelle de tous ceux qui sont aptes à les franchir... Cette mise en valeur du capital intellectuel de la nation, de toutes les capacités latentes de tous les génies qui peuvent être méconnus ou étouffés, dans une grande et féconde démocratie, Messieurs, c'était le rêve de nos pères ; et nous avons le droit de déclarer qu'autant qu'il est possible de dire qu'une chose est accomplie, grâce à vous, grâce au pays, votre principal collaborateur dans cette grande oeuvre, grâce au pays qui en a été l'âme, ce rêve est devenu une réalité ! Voilà pourquoi nous ne pouvons remettre qu'à un pouvoir civil, laïque, la surintendance de l'école populaire, et pourquoi nous tenons, comme à un article de notre foi démocratique, au principe de la neutralité confessionnelle."
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