Controverse sur le don du mariage
par Cardinal Carlo Caffara
"Le mariage n'est pas un "idéal" mais une vérité", et « lorsqu’on entre dans un confessionnal il ne faut pas suivre la doctrine des théologiens, mais l'exemple des saints ».
- Deux semaines après le consistoire sur la famille, le cardinal archevêque de Bologne, Mgr Carlo Caffarra, aborde avec Il Foglio les thèmes à l'ordre du jour du Synode extraordinaire d'octobre prochain et du Synode ordinaire de 2015 : mariage, famille, doctrine de Humanae Vitae, pénitence.
- Homme de confiance du pape Jean Paul II qui en avait fait le premier président de l'Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille, il intervient dans le débat lancé par le pape François à propos de l'accès à la communion des personnes qui vivent en situation d'adultère (appelés abusivement « divorcés-remariés »).
- Rappelant le travail indépassable qu'avait effectué Jean-Paul II, son intervention est une réponse de fait aux réflexions controversées du cardinal Kasper (cf. encadré, infra).
- Traduction de Laetitia Pouliquen pour Liberté politique.
IL FOGLIO. — Familiaris consortio de Jean-Paul II est l’objet d’un tir croisé. D'une part on dit de cette exhortation apostolique qu’elle fonde l'Évangile de la famille, de l'autre que c’est un texte dépassé. Son actualisation est-elle concevable ?
CARD. CAFFARA — Si l’on parle du gender et du soi-disant mariage homosexuel, il est vrai qu'au temps de Familiarisconsortio on n'en parlait pas. Mais de tous les autres problèmes, surtout celui des divorcés remariés, on en parle depuis longtemps. J’en suis un témoin direct, puisque que j'étais l’un des consultants du Synode de 1980. Dire que Familiaris consortio est née dans un contexte historique complètement différent de celui d'aujourd'hui est erroné. Cette précision étant faite, je dis qu'avant tout Familiaris consortio nous a enseigné une méthode avec laquelle on doit affronter les questions du mariage et de la famille. À l’utilisation de cette méthode est associée une doctrine qui reste un point de référence inéliminable.
Quelle est cette méthode ? Lorsqu’il fut demandé à Jésus à quelles conditions le divorce était licite, la licéité comme telle ne se discutait pas à cette époque. Jésus n'entre pas dans la problématique casuiste dont émanait la question, mais indique dans quelle direction on doit regarder pour comprendre ce qu'est le mariage et par conséquent la vérité de l'indissolubilité matrimoniale. C’était comme si Jésus avait dit : « Voyez-vous, vous devez sortir de cette logique casuiste et regarder dans une autre direction, celle du Principe. » C'est-à-dire : vous devez regarder là où l'homme et la femme viennent à l'existence dans la pleine vérité de leur être d’homme et de femme appelés à devenir une seule chair. Dans une catéchèse, Jean-Paul II expliquait : « Survient alors, lorsque l'homme se trouve pour la première fois face à la femme, la personne humaine dans la dimension du don réciproque dont l'expression (qui est l'expression même de son existence en tant que personne) est le corps humain dans toute la vérité originaire de sa masculinité et de la féminité ». Ceci est la méthode du Familiaris consortio.
Quelle est la signification plus profonde et actuelle de Familiaris consortio ?
Pour avoir des yeux capables de regarder dans la lumière du Principe, Familiaris consortio affirme que l'Église a un sens surnaturel de la foi, qui ne consiste pas seulement ou nécessairement dans le consentement des fidèles. L'Église, en suivant le Christ, cherche la vérité, qui ne coïncide pas toujours avec l'opinion de la majorité. Elle écoute la conscience et pas le pouvoir. Et en cela elle défend les pauvres et les méprisés. L'Église peut aussi apprécier la recherche sociologique et statistique, lorsqu’elle s’avère utile pour situer le contexte historique.
Cependant, il ne faut pas penser qu’une telle recherche est purement et simplement l'expression du sens de la foi (FC, 5). J'ai parlé de la vérité du mariage. Je voudrais préciser que cette expression ne désigne pas une règle idéale du mariage. Elle indique ce que Dieu, par son acte créateur, a inscrit dans la personne de l'homme et de la femme. Le Christ dit qu'avant de considérer les cas, il faut savoir de quoi nous parlons. Il ne s’agit pas d'une règle qui admet ou pas des exceptions, d'un idéal auquel nous devons tendre. Nous parlons de ce que sont le mariage et la famille. Avec cette méthode, Familiaris consortio détermine ce que sont le mariage et la famille et ce qui est son « génome », selon l'expression du sociologue Donati : ce n'est pas un génome naturel, mais un génome social et de communion. C’est dans cette perspective que l'exhortation détermine le sens plus profond de l'indissolubilité du mariage (cf. FC, 20).
Familiaris consortio a donc représenté un immense développement doctrinal, rendu possible à partir du cycle de catéchèses de Jean-Paul II sur l'amour humain. Dans la première de ces catéchèses, celle du 3 septembre 1979, Jean-Paul II dit qu'il veut accompagner comme à distance les travaux préparatoires du Synode qui va se tenir l'année suivante. Il ne l'a pas fait en affrontant directement des thèmes des sessions synodales, mais en dirigeant l'attention vers les racines profondes. C’est comme s'il avait dit : Moi, Jean-Paul II, je veux aider les pères synodaux. Comment les aider ? En les amenant à la racine des questions. C’est de ce retour aux racines que naît la grande doctrine sur le mariage et la famille donnée à l'Église par Familiaris consortio.
Et il n'a pas ignoré les problèmes concrets. Il a aussi parlé du divorce, de l’union libre, du problème de l'admission de divorcés-remariés à l'Eucharistie. L'image donc d'une Familiaris consortio qui appartient au passé, qui n'a plus rien à dire au présent, est caricaturale. Ou bien c’est une considération venant de personnes qui ne l'ont pas lue.
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