Octave Mirbeau et la décadence à la française
par BONNAL NICOLAS
La fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième sont marqués par un grand désespoir culturel et spirituel, qui accompagne un grand boom économique et industriel. La modernité n’a pas encore accouché de son athéisme jouissif et de son nihilisme soft remixé au développement personnel, et il lui semble encore qu’elle a perdu tous ses repères ancestraux, spirituels, agricoles, aristocratiques, monarchiques. Bien des esprits s’en plaignent aussi bien en France qu’en Russie : Tchékhov, Tolstoï en Russie, Belloc ou Chesterton en Angleterre, Bloy, Mirbeau ou même Maupassant en France.
Octave Mirbeau est un écrivain Français de la fin du XIXème siècle et du début du XXème. Anarchiste et provocateur, il ne cesse de dénoncer dans des pamphlets ou des romans osés (le Journal d’une femme de chambre…) son époque et l’humanité qui l’accompagne, qu’il juge lamentable. Grand journaliste et voyageur, grand styliste aussi, il publie un tas d’ouvrages qui lui valent une reconnaissance internationale, dont celle du comte Tolstoï, tout aussi convaincu de la décadence des temps (voir son essai sur le déclin de l’art). Mirbeau apprécie d’un autre côté les inventions médicales et techniques de son temps, la révolution industrielle et commerciale le fascine et il publie en 1907 une chronique de son fastueux voyage en automobile, titrée la 628-E8 (quel titre expérimental pour son époque, et même la nôtre !). Mirbeau déteste le colonialisme de la gauche républicaine, le surarmement et le nationalisme agressif de son temps et il espère ainsi un peu rapprocher les peuples de l’Europe ; mais voici ce qu’il écrit de la population d’Anvers en Belgique :
J’ai remarqué, à quelques exceptions près, que les villes, surtout les villes de travail et de richesses, qui, comme Anvers, sont des déversoirs de toutes les humanités, ont vite fait d’unifier, en un seul type, le caractère des visages… Il semble maintenant que, dans les grandes agglomérations, tous les riches se ressemblent, et aussi tous les pauvres.
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On laisse Mirbeau ... :
Sommes-nous donc dans une époque d’irrémédiable décadence ? Plus nous approchons de la fin de ce siècle, plus notre décomposition s’aggrave et s’accélère, et plus nos cœurs, nos cerveaux, nos virilités vont se vidant de ce qui est l’âme, les nerfs et le sang même d’un peuple.
Mais nous savons au moins depuis les Romains que la décadence bien menée peut durer cinq siècles ! On se consolera avec ce que Mirbeau nous dit des officiers allemands de la prestigieuse prussienne armée :
Ils ne travaillent pas et ne s’occupent que de leurs plaisirs : le jeu, les femmes, et même les hommes…
Sans commentaire !
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