L’Occident s’est complètement trompé en Syrie, on le dit enfin !
Entretien avec Frédéric Pichon réalisé par Gabrielle Cluzel
Dans un éditorial du Point daté du 26 juin dernier, Franz-Olivier Giesbert, révèle, s’appuyant sur des travaux d’expert, qu’en Syrie, seuls les rebelles djihadistes ont pu perpétrer l’attaque chimique de Ghoutta. Il accuse ouvertement le Monde, le gouvernement français et les services secrets américains d’avoir montré du doigt, sans preuves, le régime d’Assad, pour justifier les frappes à venir. Cet éditorial aurait dû l’effet d’une bombe, non ?
Si FOG, qui connaît tout le monde à Paris, écrit cela, c’est que désormais, ce thème commence à faire consensus : on peut en parler. Mais cela illustre comment fonctionne notre système médiatique. Les informations ne sortent que quand le système lui-même l’autorise. Et toujours en différé. A présent, cela n’intéresse plus personne. Il s’agit pourtant d’une véritable forfaiture. Fin août dernier, nous avons assisté à une campagne internationale qui, en France, s’est traduite par un vrai déchaînement de la part de certains journaux. En particulier Le Monde, dont la ligne fut incroyablement partisane, comme elle le fut récemment lors de la crise ukrainienne. Le problème c’est qu’en France, c’est ce journal qui donne le la.
A la fin du mois d’Août 2013, il était très difficile d’aller en sens contraire. J’ai été très sollicité à cette époque : j’ai remarqué que les médias étrangers étaient beaucoup plus disposés à accueillir un discours prudent. En France, je me souviens très bien que le fait même de ne pas acquiescer, d’attendre des preuves, de résister à l’emballement médiatique dont on voyait bien qu’il faisait les affaires du gouvernement était suspect. C’était pourtant la seule position tenable pour le chercheur que je suis et cela aurait du être le cas pour la presse.
Vous-même en aviez la confirmation depuis bien longtemps ?
Je vous avoue que sur le moment et jusqu’à maintenant, je n’ai évidemment aucune preuve. C’est plutôt un réflexe méthodologique qui m’a incité à la prudence. Et puis, ce n’était pas très sérieux : le gouvernement syrien demande officiellement à une délégation ONUSienne de venir inspecter pour constater une utilisation d’armes chimiques de la part des rebelles et moins de 48 h après leur arrivée, une autre attaque a lieu dans la banlieue de Damas. Cela pouvait à tout le moins provoquer quelques interrogations.
Mais j’ai senti venir la chose il y a moins d’un mois. Au hasard d’une interview dans Spiegel peu après sa démission de médiateur de l’Onu, Lakhdar Brahimi a indiqué qu’il n’y avait plus aucun doute que l’attaque chimique de Khan al Assal était le fait des rebelles. Or c’est cette attaque au printemps 2013 qui a motivé la demande d’inspection de la part de Damas, qui déjà accusait les rebelles. Mais là aussi, cela est passé pratiquement inaperçu.
En fait, personne n’y croyait dès le début. Mais les liens entre le politique et la presse en France sont tellement contre-nature qu’il fallait servir sur un plateau une intervention qui n’a pas eu lieu. Obama, lui, savait dès septembre à mon avis : cela explique le retournement spectaculaire de Washington et l’annulation de l’opération. Hollande ne pouvait pas l’ignorer non plus…
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