« En attendant août 14 : Pour un nouvel ordre international personnaliste »
Antoine Arjakovsky, directeur de recherche au Collège des Bernardins
Adam Michnik, le directeur de GazetaWyborcza, milite contre le pacifisme consensualiste. Il a rassemblé le 28 juillet les rédacteurs en chef des principaux journaux européens pour demander à l’Union européenne d’adopter des sanctions très fermes, non contre la Russie comme nation, mais contre le gouvernement russe actuel et sa politique néo-impérialiste. « Une politique de conciliation ne mènera à rien », selon Michnik. « Vladimir Poutine n’est pas un homme politique à l’européenne. M. Poutine ne pratique que l’aventurisme permanent ». - [1]
Le philosophe Adrian Pabst pour sa part refuse de dénoncer « la Russie comme l’empire du mal » et suggère une coalition du « Grand Ouest » dans lequel il inclut l’Ukraine et la Russie pour lutter contre le nouveau fondamentalisme de l’islam sunnite radical dont l’importance grandit de jour en jour au Proche Orient. - [2]
Bien qu’elles puissent apparaître contradictoire ces deux prises de position se complètent sur un plan théorique car elles refusent toutes les deux une compréhension manichéenne des relations internationales. Mais sur un plan pratique, il me paraît nécessaire de mener fermement une politique de sanctions à l’égard du Kremlin sans négliger pour autant une politique de relations internationales qui marginalise toutes formes de fondamentalisme à commencer par celui de groupes comme ISIS.
D’abord parce que la Russie ne se pense pas comme appartenant au Grand Ouest aujourd’hui. Dans son projet d’Union eurasiatique Vladimir Poutine et ses idéologues, Alexandre Douguine et le patriarche Kirill Goundiaev, ont bien plus en vue la constitution d’une troisième Rome qui mettrait fin au « schisme occidental » et engloutirait enfin la lumière ténébreuse de la modernité décadente. De plus ostraciser le Kremlin n’est pas perdre la Russie. Bien au contraire, ce serait retrouver la Russie authentique, fondée sur la valeur de pravda, de justice-vérité, d’Alexandre de la Néva, d’Alexandre Pouchkine et d’Alexandre Soljénitsyne. On a voulu croire en 1991 qu’inviter la Russie dans les instances internationales permettait d’effacer plusieurs décennies de sauvagerie idéologique. Les relations internationales de ces vingt dernières années ont montré à l’inverse que le sentiment d’impunité dont avait bénéficié l’Etat russe lui avait empêché tout retournement moral authentique. Très vite, dès 1999, le pouvoir fut repris fermement en main par les services secrets nostalgiques de l’URSS.
On pourrait faire un parallèle entre l’actuelle pratique des sanctions et des embargos et celle de l’excommunication dans l’Eglise ancienne. L’ancienne pratique ecclésiale de l’excommunion n’avait pas comme objectif de vouer le pécheur aux peines éternelles, mais de permettre à celui-ci de se souvenir de l’ekklesia comme temple de l’Esprit Saint, de la communion des fidèles qui seule rend possible la rencontre durable avec Dieu et l’épanouissement individuel. Car l’individu est d’abord un être relationnel. Et s’il l’oublie il doit s’en repentir avant de rejoindre à nouveau la communion universelle. Dostoievski disait « préférer le Christ à la vérité », précisément parce qu’il savait que dans l’Eglise, qui est le corps du Christ, on est en communion avec une vérité personnelle, communionnelle. Le Christ s’est défini lui-même comme « la vérité, et le chemin et la vie ».
Je partage le point de vue d’Adrian Pabst sur la nécessité urgente de penser aujourd’hui un nouvel ordre international post-westphalien. Mais ce serait céder à une vision trop statique que d’imaginer que l’ensemble des nations doivent aujourd’hui, soit revenir à un nouveau Moyen Age, comme l’imagina Berdiaev en 1924, soit entrer dans un âge alter-national et cosmopolitique comme l’envisagent de nombreux intellectuels européens tels que Jean-Marc Ferry. La post-modernité n’est possible qu’à condition de retenir les erreurs du Moyen Age et des Temps Modernes, à savoir la sacralisation des temporalités divine puis humaine. La temporalité divino-humaine à l’inverse est dynamique, interactive, et, à son sommet, insouciante, capable d’oublier les blessures les plus profondes au nom, aurait dit Paul Ricoeur, de « la philosophie des lys des champs ».
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Lire la suite: www.france-catholique.fr
Le philosophe Adrian Pabst pour sa part refuse de dénoncer « la Russie comme l’empire du mal » et suggère une coalition du « Grand Ouest » dans lequel il inclut l’Ukraine et la Russie pour lutter contre le nouveau fondamentalisme de l’islam sunnite radical dont l’importance grandit de jour en jour au Proche Orient. - [2]
Bien qu’elles puissent apparaître contradictoire ces deux prises de position se complètent sur un plan théorique car elles refusent toutes les deux une compréhension manichéenne des relations internationales. Mais sur un plan pratique, il me paraît nécessaire de mener fermement une politique de sanctions à l’égard du Kremlin sans négliger pour autant une politique de relations internationales qui marginalise toutes formes de fondamentalisme à commencer par celui de groupes comme ISIS.
D’abord parce que la Russie ne se pense pas comme appartenant au Grand Ouest aujourd’hui. Dans son projet d’Union eurasiatique Vladimir Poutine et ses idéologues, Alexandre Douguine et le patriarche Kirill Goundiaev, ont bien plus en vue la constitution d’une troisième Rome qui mettrait fin au « schisme occidental » et engloutirait enfin la lumière ténébreuse de la modernité décadente. De plus ostraciser le Kremlin n’est pas perdre la Russie. Bien au contraire, ce serait retrouver la Russie authentique, fondée sur la valeur de pravda, de justice-vérité, d’Alexandre de la Néva, d’Alexandre Pouchkine et d’Alexandre Soljénitsyne. On a voulu croire en 1991 qu’inviter la Russie dans les instances internationales permettait d’effacer plusieurs décennies de sauvagerie idéologique. Les relations internationales de ces vingt dernières années ont montré à l’inverse que le sentiment d’impunité dont avait bénéficié l’Etat russe lui avait empêché tout retournement moral authentique. Très vite, dès 1999, le pouvoir fut repris fermement en main par les services secrets nostalgiques de l’URSS.
On pourrait faire un parallèle entre l’actuelle pratique des sanctions et des embargos et celle de l’excommunication dans l’Eglise ancienne. L’ancienne pratique ecclésiale de l’excommunion n’avait pas comme objectif de vouer le pécheur aux peines éternelles, mais de permettre à celui-ci de se souvenir de l’ekklesia comme temple de l’Esprit Saint, de la communion des fidèles qui seule rend possible la rencontre durable avec Dieu et l’épanouissement individuel. Car l’individu est d’abord un être relationnel. Et s’il l’oublie il doit s’en repentir avant de rejoindre à nouveau la communion universelle. Dostoievski disait « préférer le Christ à la vérité », précisément parce qu’il savait que dans l’Eglise, qui est le corps du Christ, on est en communion avec une vérité personnelle, communionnelle. Le Christ s’est défini lui-même comme « la vérité, et le chemin et la vie ».
Je partage le point de vue d’Adrian Pabst sur la nécessité urgente de penser aujourd’hui un nouvel ordre international post-westphalien. Mais ce serait céder à une vision trop statique que d’imaginer que l’ensemble des nations doivent aujourd’hui, soit revenir à un nouveau Moyen Age, comme l’imagina Berdiaev en 1924, soit entrer dans un âge alter-national et cosmopolitique comme l’envisagent de nombreux intellectuels européens tels que Jean-Marc Ferry. La post-modernité n’est possible qu’à condition de retenir les erreurs du Moyen Age et des Temps Modernes, à savoir la sacralisation des temporalités divine puis humaine. La temporalité divino-humaine à l’inverse est dynamique, interactive, et, à son sommet, insouciante, capable d’oublier les blessures les plus profondes au nom, aurait dit Paul Ricoeur, de « la philosophie des lys des champs ».
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