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jueves, 17 de septiembre de 2015

Ce n’est pas à l’Église de décider s’il faut accueillir les migrants, et lesquels, mais aux autorités civiles.


Mgr Rey : "Nous ne devons pas hésiter à affirmer notre identité"



Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, et le philosophe Rémi Brague sont interrogés dans Famille chrétienne sur l'attitude des chrétiens à l'égard des migrants.





 Extraits :



[...] Rémi Brague : La Bible rappelle effectivement au peuple installé sur sa terre qu’il fut lui aussi nomade. En conséquence, il devra comprendre ce qu’éprouve un étranger coupé de son sol et forcé à vivre dans un milieu nouveau. C’est pourquoi le souvenir de la captivité en Égypte est sans cesse ravivé.


Ceci dit, la Bible éclaire notre expérience actuelle, mais c’est indirectement. Ne faisons pas comme les fondamentalistes musulmans ou protestants du « Bible Belt » américain. On ne peut pas appliquer tels quels aux Français les préceptes de la Bible. Nous ne sommes pas le peuple élu. Nous ne sommes rien de plus qu’une « nation du monde », dont certains membres sont baptisés, et de la sorte greffés sur Israël, qui est et reste le seul peuple élu. Parmi les baptisés, un certain nombre prend au sérieux les conséquences de son baptême. Cette nation s’est formée en une entité politique sous l’autorité d’un État qui prend en charge tous les citoyens, chrétiens ou non.

La naissance de l’Occident chrétien n’est-elle pas le fruit de vagues successives de migrants qui ont trouvé une nouvelle identité via l’Église ?

Rémi Brague : À partir du IIIe siècle, l’Empire romain a laissé entrer, d’abord avec l’accord des autorités, puis malgré elles, des populations venues de l’Est, de ce qu’on appelait alors la Germanie. C’est ce qu’on appelle, d’un terme péjoratif, les « invasions barbares ». Les historiens ont actuellement tendance à réviser à la baisse les estimations sur le nombre de ces nouveaux venus. Il n’y a jamais eu de submersion.

Quoi qu’il en soit, l’osmose de ces immigrants avec les populations déjà romanisées a été facilitée par leur entrée dans l’Église. Celle-ci resta la seule institution un peu solide, alors que le système municipal romain s’était délité. [...]

Peut-on dire que la peur du migrant d’aujourd’hui (et du « barbare » d’hier) est proportionnelle au manque de foi des Occidentaux ?

Mgr Dominique Rey : Notre société postmoderne est narcissique. Elle est gangrenée par le repli sur soi. Aveugle sur le monde qui l’entoure, elle se contemple, s’ausculte, s’introspecte. Elle est hypocondriaque. Elle a perdu le sens de l’inattendu. Elle cherche la sécurité à tout prix. Mais c’est un leurre de croire qu’elle peut vivre en vase clos.

L’arrivée des migrants qui ont pris le chemin de l’exil pour fuir la guerre et le chaos, nous déstabilise. Ils prennent en défaut notre capacité à faire face à l’imprévu, à « sortir d’elle-même », à ouvrir son cœur.

Dieu se sert des événements qu’on ne voyait pas venir, pour éclairer notre propre route d’un jour nouveau. Il faut accepter que notre foi soit aussi mise en mouvement par ces hommes et ces femmes venus d’ailleurs, que nous avons le devoir d’accueillir dans un esprit de fraternité. J’ai reçu les témoignages de ces familles qui, en hébergeant des réfugiés, ont vécu une vraie conversion à leur contact. Leur rapport à Dieu et aux autres a complètement changé. La charité fraternelle nous transforme.

Rémi Brague : C’est d’abord le manque de foi des Occidentaux qui entraîne, à travers toute une cascade de médiations, la faiblesse démographique de l’Occident, qui ne remplace plus ses générations.

Et, le vide aspirant, il ne faut pas s’étonner de ce que l’on cherche à le remplir. Il ne s’agit pas seulement de foi religieuse, mais de toutes ces formes de confiance qui en découlent plus ou moins directement, plus ou moins consciemment : une prise en charge critique, mais paisible de son passé, l’acceptation de son identité présente, l’espoir en l’avenir. Or, nous passons notre temps à battre notre coulpe – sur la poitrine de nos ancêtres, c’est plus commode. [...]

Face à la présence incontournable de l’islam, l’affirmation de notre identité catholique n’est-elle pas la condition de notre avenir et d’un dialogue authentique ?

Mgr Dominique Rey : Le monde devient de plus en plus pluraliste. Que cela nous plaise ou nous inquiète, nous vivons dans un monde globalisé où les échanges sont démultipliés. Les statistiques démographiques ne laissent pas place au doute. Parmi les jeunes générations, la population de confession musulmane augmente. On peut penser que demain, si ce n’est déjà le cas, certaines villes de France et d’Europe seront majoritairement musulmanes. Cela souligne le besoin de cohésion pour la société. Certaines fractures socioculturelles au sein de notre pays augmentent les risques de dérives communautaristes et de fragmentation sociale. [...]

Les flux doivent être régulés parce que nous ne pouvons pas accueillir des migrants à n’importe quel prix, dans n’importe quelles conditions. La « confrontation » à d’autres univers culturels doit également nous inviter à nous réapproprier notre propre identité chrétienne et notre identité nationale. C’est l’héritage commun que nous avons en partage et qui fonde notre « vivre-ensemble ». Nous ne devons pas hésiter à affirmer notre identité, même auprès des cultures étrangères ou des personnes de confession musulmanes. La « crise migratoire » nous oblige à nous « retrouver » nous-mêmes dans nos racines et à sortir de soi.

Elle nous pousse en même temps à la mission. Elle nous force à évangéliser, aussi bien les musulmans qui arrivent, que tant de nos contemporains frappés par l’indifférence ou le relativisme. Cette crise humanitaire est l’occasion de comprendre que la foi chrétienne nous met en contact avec la dimension universelle de l’évangélisation.

L’Église peut-elle accepter, dans la crise actuelle, de « trier » les migrants ?

Rémi Brague : Ce n’est pas à l’Église de décider s’il faut accueillir les migrants, et lesquels, mais aux autorités civiles. L’Église peut et doit aider à soulager la misère. L’asile doit s’appliquer d’autant plus largement que les groupes qui le demandent sont menacés dans leur pays d’origine. C’est le cas des Yézidis d’Irak, et aussi des chrétiens. Les Kurdes ont au moins un réduit dans le Nord de l’Irak, et ils sont armés. Les gens de l’État Islamique, conformément aux versets les plus récents du Coran, qui seuls ont encore force de loi, conformément aux Hadiths, et selon l’exemple de Mahomet et de ses compagnons, se sentent en droit de tuer, de violer et de vendre comme esclaves tous les non-musulmans. On se souvient que leurs assassins, en Libye, ont trié les musulmans et les Coptes pour n’égorger que vingt-et-un de ces derniers.

Donc, cela ne me gênerait nullement que l’on mette en tête des listes d’attente les populations qui risquent le plus gros."

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