La loi française peut-elle contribuer au renversement du consensus européen ?
par Christophe Beaudouin
L'entrée en vigueur de la loi française ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe ne bouleverse pas le paysage européen actuel du modèle familial. À ce jour, seule une poignée d'États, tous à l'Ouest, a franchi le Rubicon d'une redéfinition du mariage, représentant à peine 15 % des quarante-sept nations du Conseil de l'Europe, un quart des membres de l'Union européenne(2). Parmi l'immense majorité des États de la grande Europe, il en est même vingt-cinq qui ne reconnaissent aucun statut légal ou droits patrimoniaux aux couples de même sexe : ni mariage, ni partenariat enregistré, ni droits de cohabitation(3). Pire, la législation de plusieurs d'entre eux pose explicitement l'altérité sexuelle comme condition du mariage(4) et certains s'autorisent, le cas échéant, à refuser la reconnaissance juridique sur leur territoire de partenariats homosexuels conclus à l'étranger. Ainsi, en s'en tenant au « consensus » compris comme le « consentement du plus grand nombre, de l'opinion publique » (Larousse), c'est peu dire que le consensus européen n'est pas au mariage homosexuel mais très massivement au statu quo, c'est-à-dire à la définition traditionnelle assise sur le modèle biologique homme-femme. La loi française contribuerait donc plutôt à creuser la division avec l'immense majorité de ses partenaires, en particulier ceux de l'Est européen.
Une telle arithmétique pourrait-elle cependant évoluer à la faveur du ralliement de la France à la dynamique actuelle du droit transnational européen des minorités sexuelles ? Il ne faut pas sous-estimer la portée symbolique qu'une telle réforme peut avoir dans le regard de ceux qui, en Europe et dans le monde, voient encore la France comme un modèle, un phare du progrès. Lorsque c'est la nation de l'humanisme chrétien et des Lumières qui décide d'une telle rupture anthropologique, elle sert un puissant argument à tous les groupes de pression qui, dans les pays réticents, militent encore avec peine en faveur des droits LGBT(5). La France ne fait pas que s'incliner devant la libéralisation juridique impulsée par le Conseil de l'Europe et l'Union européenne (1re partie), elle entend anticiper et soutenir les organes de Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg dans leurs efforts pour bâtir une coalition d'États pionniers du mariage homosexuel afin de renverser l'actuel consensus qui s'y oppose (2e partie).
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