Biographie intellectuelle.
Compte-rendu par Marc Crapez
“De la Démocratie en Amérique fait de Tocqueville notre contemporain, car il y admet l’unité de l’espèce humaine, le libre-arbitre individuel et la souveraineté du peuple. L’homme est « partout le même » et doué de « perfectibilité ». C’est un individu idiosyncrasique apte « à régler comme il l’entend sa propre destinée ». La souveraineté populaire est un principe latent « enseveli », sous une forme ou une autre, dans « presque toutes les institutions humaines » (p. 322, 151, 349). Cette acceptation tacite du suffrage universel le distingue de Guizot, qui considère la souveraineté du peuple comme un principe ayant « corrompu l’idée de la représentation » et incapable de « fonder la liberté ». Guizot prône le régime parlementaire sous sa forme de monarchie constitutionnelle, veut le gouvernement par l’élite que dégage le seul suffrage censitaire. Cette sorte de raison immanente repose, certes, sur une légitimation sociale, mais elle n’est pas, comme chez Tocqueville, consentie par une délégation et enracinée par la base.
C’est sur cette question des modalités légitimes de l’autorité, explique Lucien Jaume, que les deux grands penseurs libéraux du milieu du XIXème siècle divergent. Tocqueville n’est toutefois pas tout uniment le plus moderne. S’il œuvre en faveur de « la liberté, la légalité, le respect des droits », il n’est pas exempt de nostalgie, d’une forme d’alliance carlo-républicaine, même si son libéralisme aristocratique le rallie résolument, par patriotisme, à l’orléanisme. Dans L’Ancien régime et la Révolution, il livre le fonds de sa pensée : « la paroisse rurale du moyen âge est devenu le township de la Nouvelle-Angleterre ». Cette réincarnation de la commune médiévale peut freiner la centralisation administrative niveleuse. A la place des corporations fixes, la société civile s’exprime par des corps intermédiaires, des personnalités collectives, des associations indépendantes. Aux Etats-Unis, la souveraineté ne s’exerce pas par la pyramide de l’Etat, mais par un jeu de contre-poids, de compromis et de transactions.
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