Le règne de l’individu-roi
L’un des traits dominants de notre époque est l’individualisme. L’éclatement de la famille, le renversement du rapport entre les devoirs envers la collectivité et les droits proclamés de l’individu, la remise en cause des appartenances héritées ou subies au profit des adhésions choisies ou revendiquées vont dans le même sens.
Mais cette évolution qui paraît inéluctable se décline de manière multiple et parfois contradictoire.
Ses « figures » sont loin d’avoir le même profil ou la même valeur.
La liberté même lorsqu’elle conduit à l’adhésion et à la fidélité à celle-ci repose toujours sur la faculté de dire non, de refuser.
De Gaulle est un exemple éclatant de ce principe. En 1940, il refuse la défaite, il n’accepte pas l’abaissement de la France, et s’oppose au régime « légal »du pays. Il le fait sur le plan moral et affectif, l’honneur, mais aussi intellectuellement et rationnellement, le bon sens.
Ce refus, c’est celui d’un individu, qui se sent personnellement touché et engagé par la défaite nationale, et qui va ensuite toujours réagir d’une manière personnelle aux situations politiques auxquelles la France et lui-même seront confrontés.
De Gaulle, comme tous ceux de sa génération, a lu Barrès : il sera toujours à se construire sous l’oeil des barbares, c’est-à-dire en l’occurrence face à des hommes pour qui il nourrissait un certain mépris, mais cet « individu », comme Barrès, va s’identifier à la nation, à cette énergie nationale par laquelle, une personnalité singulière insuffle à un pays, à une collectivité sa propre détermination.
Les barbares pour de Gaulle, ce sont les « veaux », tous ces Français qui, comme le dit le Roi Ferrante, chez Montherlant ne respirent pas à la hauteur où lui-même respirait.
C’est un paradoxe qu’il faille pour donner de la force aux sociétés des personnes dénuées de conformisme, comme si les dissidents devaient être les plus capables non seulement de donner un nouvel élan mais une véritable unité à la collectivité.
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