Pas assez de places assises...
Les libertés éducatives et l'objection de la conscience sont les vecteurs de la reconstruction d'une société juste
Thibaud Collin intervient à l'Université d'été de La Manif Pour Tous. Voici son intervention :
"Mes chers amis, Vous me permettrez de vous appeler ainsi car ce qui nous réunit tous ce matin est un amour commun, celui du bien de notre pays. Malgré nos différences, nous partageons une même détermination : la recherche du bien de notre société passe par la recherche du bien de l’être humain, du bien intégral de chaque être humain.
Ce qui nous réunit ce matin malgré nos différences, est d’avoir partagé une même aventure : l’opposition résolue et pacifique à une loi inique. Nous avons perdu la bataille législative. Beaucoup s’interrogent. Que faire ? Où orienter nos forces ? Questions auxquelles diverses réponses légitimes peuvent être apportées. La lutte contre cette loi a été l’occasion de nombreuses prises de conscience qu’il s’agit maintenant de déployer dans leurs tenants et aboutissants. Il s'agit d'identifier les sources du mouvement qui a porté cette loi car là gisent les raisons de notre échec législatif. Il s'agit d'y reconnaître autant de chantiers à entreprendre, de défis à relever, dès aujourd'hui.
Je voudrais succinctement en pointer trois sans prétendre être exhaustif : La première source est, à mon sens, une vision tronquée de la personne, vision selon laquelle le corps sexué n’est qu’un matériau de la liberté individuelle elle-même soumise à des désirs indéfinis. C'est en retrouvant une juste intelligence de l’unité de la personne sexuée que chacun d'entre nous pourra contribuer au bien de notre pays et des personnes qui y habitent. Des décennies de mentalité contraceptive ont occulté aux yeux de beaucoup l’union essentielle des trois dimensions de la sexualité humaine : dimensions relationnelle (don réciproque des époux), jouissive (plaisir et épanouissement personnel) et procréative (transmission de la vie et accueil de l'enfant fruit de ce don mutuel). Éduquer à l’intégration de ces trois dimensions, témoigner qu’il est possible et heureux de la vivre, n’est-ce pas une tâche certes exigeante mais exaltante ? La revendication au mariage et la filiation pour les personnes ayant une orientation homosexuelle a été portée et légitimée par une vision et une pratique éclatée de ce qui se joue dans l'union conjugale. Peut-être n'avons-nous pas assez mis au centre de nos discours des derniers mois ce thème de la conjugalité comme étant le lieu d'où la différence sexuelle reçoit en plénitude toute sa vérité. Notre échec nous invite à ouvrir les yeux. Pourquoi ne pas investir notre énergie dans ses multiples associations qui depuis de longues années courageusement et modestement se consacrent à l'éducation affective et sexuelle ?
La deuxième source du mouvement qui a porté cette loi est ce que je nomme la « crue du politique ». Notre gouvernement a considéré le mariage comme une construction de l’État, malléable et révisable comme une loi fiscale ou un simple code d'urbanisme. Il a gravement outrepassé ses droits et par là il a montré le mauvais exemple à tous. Le signal implicite est le suivant : toute limite est temporaire car toute loi est l'expression d'un rapport de force. Toute institution n'est en fait que le fruit d'un règlement ou d'un contrat. Cette faillite de la justice ne peut pas ne pas avoir de conséquences dans d'autres champs de la vie sociale. Nous voyons aujourd'hui une autre manifestation de cette crue du politique dans la volonté de notre gouvernement de « s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités », comme l'a écrit Monsieur Peillon en janvier 2013 à tous les Recteurs. Face à cette instrumentalisation de l'école pour former un « homme nouveau », nous avons à assumer pleinement notre droit inaliénable de parents à être les premiers éducateurs de nos enfants ; pour cela il s'agit de nous former afin d'exercer une vigilance perspicace. Par exemple, face au projet gouvernemental de « lutter contre les stéréotypes de genre » efforçons-nous de distinguer ce qui relève de l'idéologie libertaire à combattre et ce qui relève de la tâche de tisser des relations justes entre les hommes et les femmes ; tâche que toute société a dû assumer dans l'histoire... de manière plus ou moins heureuse il faut bien le reconnaître. Là encore, c'est un enjeu éducatif majeur. Ce n'est pas en diabolisant une soi-disant « théorie du genre », qui d'ailleurs n'existe pas comme telle, que l'on relèvera ce défi mais en travaillant à des programmes permettant à nos enfants de devenir des hommes ou des femmes responsables capables de s'engager pour la vie.
Enfin la troisième source de ce mouvement que nous n'avons pas réussi à contrer est une mutation de la laïcité. Celle-ci a été pensée à l'origine comme la reconnaissance de l'incompétence de l’État en matière religieuse.Or aujourd'hui elle s'identifie de plus en plus à une « neutralité éthique et anthropologique ». Puisque notre société, comme aucune autre société, ne peut se passer de principes communs, ce qui apparaît comme indiscutable et légitime se réduit au plus petit dénominateur commun. Ainsi en ces temps de relativisme, seules la liberté et l'égalité d'individus indéterminés apparaissent comme la clef de voûte des lois et de l'éducation publique. Cette logique libertaire est potentiellement totalitaire. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » On le voit clairement dans les propos de Monsieur Peillon qui dans un même texte peut, sans craindre la contradiction, proclamer « le respect de la conscience des élèves » et exiger que ceux-ci soient « arrachés à leurs déterminismes ethnique, social et familial ». Pour lui, l'école doit exercer « un pouvoir spirituel ». Traditionnellement le pouvoir spirituel se distingue du pouvoir temporel en tant qu'il s'exerce au for interne, qu'il s'adresse à la conscience personnelle alors que le second est limité au for externe, aux comportements. Les programmes étant obligatoires, nul parent n'a dès lors la possibilité de s'y opposer car sa position sera immédiatement disqualifiée comme étant « confessionnelle ». Cette confessionnalisation de tout contenu éthique et anthropologique opposé à la thèse gouvernementale appelle un sursaut de la conscience, organe de recherche et de manifestation de la vérité sur le bien humain. L'être humain n'est pas n'importe quoi. Aucun éducateur digne de ce nom ne peut être relativiste car sinon il ne pourrait plus exercer son métier. Assumons donc pleinement notre responsabilité de parents et de citoyens ; soutenons les enseignants mais aussi les maires, les médecins, les pharmaciens qui suivent leur conscience dans cette recherche du vrai bien humain. Les libertés éducatives et l'objection de la conscience sont les vecteurs de la reconstruction d'une société juste."
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