Au “pays de la mort blanche”
Bruno de Cessole
« Le goulag, qu’est-ce que c’est, un groupe de rock ? »
Etrangement, alors que les noms des camps de la mort nazis sont connus de tous en Occident, que leurs sites font l’objet de pèlerinages et que la mémoire de la Shoah est entretenue avec piété, une sorte d’amnésie frappe le souvenir des camps de la Kolyma, tant en Europe qu’en Russie.
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Aux confins de la Sibérie, la région de la Kolyma, dont la superficie est celle de deux fois la France, reste le symbole du système concentrationnaire de l’Union soviétique. Jusque dans les années 1920, la contrée, peuplée de quelques dizaines de milliers de nomades vivant de l’élevage de rennes, de la pêche et de la chasse, était presque inexplorée. La découverte de gisements aurifères à la fin de la décennie attira géologues et prospecteurs jusqu’au contrôle total du bassin de la Kolyma par un organisme d’État, le Dalstroï, créé en 1931, dont le directeur était nommé par le Politburo. Deux ans auparavant, une loi pénale avait permis de transférer tous les détenus condamnés à une peine supérieure à trois ans de prison dans des camps de travail forcé, gérés par la police politique.
Ainsi se mettent en place, à partir de 1932, le goulag et son mécanisme d’exploitation économique et de répression politique. Déportés par bateaux, dans des conditions identiques à celles de la traite négrière, les prisonniers, les zeks, furent astreints à construire la ville de Magadan, les infrastructures routières et ferroviaires, les camps de concentration, et à extraire l’or de la Kolyma, dans des conditions effroyables (par – 50 °C en hiver). D’année en année, la norme journalière d’extraction par détenu augmenta, au prix d’un taux de mortalité qui culmina à quelque 20 % en 1942-1943.
Les historiens estiment entre 130 000 et 500 000 le nombre de prisonniers qui perdirent la vie dans les divers camps de la Kolyma, d’épuisement, de mauvais traitement ou par exécution (le quota fut de 22 000 lors des grandes purges de 1936-1937), jusqu’à leur fermeture en 1953.
La Route de la Kolyma, de Nicolas Werth, Belin, 192 pages, 20 €.
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