Pierre Simon, co-fondateur du planning familial et de l’ADMD
Par Charles Vaugirard,
En ces temps où le législateur supprime la notion de détresse dans la loi sur l’IVG de 1975, il peut être pertinent de réfléchir aux origines de cette loi.
En effet, on présente souvent la loi Veil, dans le texte de 1975, comme une loi dépénalisant l’avortement dans le but d’éviter que les femmes en détresse n’aient recours aux faiseuses d’anges et autres avortoirs clandestins. Ce n’est pas faux, car le compromis qui a permis le vote du texte s’est construit sur cette notion. Mais il est bon de se pencher vers les écrits de ceux qui ont été la cheville ouvrière de cette loi. Or, une personnalité apparaît comme essentielle : le docteur Pierre Simon, médecin gynécologue très brillant, qui a fondé le mouvement français du Planning familial en 1960 et co-fondé l’association pour le droit de mourir dans la dignité en 1980. Engagé en politique au Parti Radical Valoisien 1, il a été membre de nombreux cabinets ministériels, dont celui de Simone Veil en 1975.
Pierre Simon relate son histoire dans son livre autobiographique “De la vie avant toute chose” publiée chez Mazarine en 1979.
Pierre Simon dans le texte
C’est ce livre que nous allons découvrir maintenant. Ce document est très intéressant car il nous éclaire sur les convictions et la démarche de son auteur. Mieux, il nous présente sa conception de la vie et ce qui a motivé ses travaux politiques pour la légalisation de la contraception, de l’avortement et de l’euthanasie. Et, surprise, nous voyons que la lutte contre les avortements clandestins n’est pas le seul argument qu’il avance pour justifier la loi sur l’IVG. Pierre Simon mentionne aussi… la lutte contre la prolifération des “tares génétiques”. Autrement dit l’eugénisme.
“De fait, longtemps, et dans les pays latins plus qu’ailleurs, la vie fut un don de Dieu dont elle procédait. La médecine officielle en arrivait à confondre déontologie et théologie, comme en France, où l’Ordre des médecins sert de porte-voix à l’Église. Un respect “absolu” -ou plutôt aveugle- de la vie se retourne contre lui-même et, ruiné par les moyens qu’il emploie, dévore ce qu’il entend préserver : la qualité de la vie, l’avenir de l’espèce. La prolifération des tares héréditaires et les avortements clandestins sont les fruits amers de ce fétichisme.” 2
Le raisonnement de Pierre Simon s’appuie sur une anthropologie originale, une conception de la vie entièrement nouvelle. Selon lui, la vie n’est pas quelque chose de reçu par une entité supérieure (Dieu ou la Nature), elle n’existe pas par elle-même… Son “concept de vie” est que celle-ci est un “matériau” dont les hommes ont la charge. Et quand il dit “les hommes” il entend par là la “société” au sens de corps social, de collectif.
En effet, on présente souvent la loi Veil, dans le texte de 1975, comme une loi dépénalisant l’avortement dans le but d’éviter que les femmes en détresse n’aient recours aux faiseuses d’anges et autres avortoirs clandestins. Ce n’est pas faux, car le compromis qui a permis le vote du texte s’est construit sur cette notion. Mais il est bon de se pencher vers les écrits de ceux qui ont été la cheville ouvrière de cette loi. Or, une personnalité apparaît comme essentielle : le docteur Pierre Simon, médecin gynécologue très brillant, qui a fondé le mouvement français du Planning familial en 1960 et co-fondé l’association pour le droit de mourir dans la dignité en 1980. Engagé en politique au Parti Radical Valoisien 1, il a été membre de nombreux cabinets ministériels, dont celui de Simone Veil en 1975.
Pierre Simon relate son histoire dans son livre autobiographique “De la vie avant toute chose” publiée chez Mazarine en 1979.
Pierre Simon dans le texte
C’est ce livre que nous allons découvrir maintenant. Ce document est très intéressant car il nous éclaire sur les convictions et la démarche de son auteur. Mieux, il nous présente sa conception de la vie et ce qui a motivé ses travaux politiques pour la légalisation de la contraception, de l’avortement et de l’euthanasie. Et, surprise, nous voyons que la lutte contre les avortements clandestins n’est pas le seul argument qu’il avance pour justifier la loi sur l’IVG. Pierre Simon mentionne aussi… la lutte contre la prolifération des “tares génétiques”. Autrement dit l’eugénisme.
“De fait, longtemps, et dans les pays latins plus qu’ailleurs, la vie fut un don de Dieu dont elle procédait. La médecine officielle en arrivait à confondre déontologie et théologie, comme en France, où l’Ordre des médecins sert de porte-voix à l’Église. Un respect “absolu” -ou plutôt aveugle- de la vie se retourne contre lui-même et, ruiné par les moyens qu’il emploie, dévore ce qu’il entend préserver : la qualité de la vie, l’avenir de l’espèce. La prolifération des tares héréditaires et les avortements clandestins sont les fruits amers de ce fétichisme.” 2
Le raisonnement de Pierre Simon s’appuie sur une anthropologie originale, une conception de la vie entièrement nouvelle. Selon lui, la vie n’est pas quelque chose de reçu par une entité supérieure (Dieu ou la Nature), elle n’existe pas par elle-même… Son “concept de vie” est que celle-ci est un “matériau” dont les hommes ont la charge. Et quand il dit “les hommes” il entend par là la “société” au sens de corps social, de collectif.
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Pierre-Simon dialogue avec Albert MONOSSON de son livre :
« De la Vie avant toutes chose »
A. M. — Pierre-Simon, vous venez d'écrire un livre qui s'appelle « DE LA VIE AVANT TOUTE CHOSE », édité par les Editions Mazarine.
Il est une quête de spiritualité et d'autre part, pour reprendre la formule d'Alain Guichard, c'est une lutte contre l'inertie de notre temps. Qu'en pensez-vous ?
P.-S. — Il m'a paru effectivement nécessaire en 1980 de susciter des réflexions sur les possibilités de coordonner une pensée symbolique et traditionnelle. C'est-à-dire une philosophie ouverte à tous et qui trouve ses mouvements dans une réflexion scientifique avec les grands courants de notre temps et en particulier avec les modifications sociologiques dont nous sommes les témoins. « DE LA VIE AVANT TOUTE CHOSE » est une réminiscence de mon concitoyen de Metz Verlaine • de la musique avant toute chose. C'est un essai tendant à démontrer l'existence d'une coordination rigoureuse entre la pensée scientifique et la pensée traditionnelle, c'est-à-dire une morale pour tous.
A. M. — Ce qui m'a beaucoup frappé dans votre livre, c'est la « recherche du bonheur » ; vous dites qu'Il s'agit de fournir des clés qui permettent l'accès au bonheur, et je pense que l'idée du bonheur est une Idée très maçonnique.
P.-S. — L'idée du bonheur est effectivement très maçonnique ; on la trouve déjà dans la Constitution des Etats-Unis qui fut rédigée par les Francs-Maçons d'alors ; on la trouve également dans la Constitution de l'An II de la République française dans laquelle les Maçons ont particulièrement tenu à ce que le concept de bonheur y figure comme un des fondements de la société nouvelle qu'il s'agissait alors d'ériger.
J'essaie dans mon ouvrage de formuler un concept du bonheur, à savoir que les acquisitions les plus récentes de la science, à mesure qu'elles s'accumulent, doivent être dirigées dans un certain ordonnancement. Cet ordonnancement nous pouvons le trouver dans le cadre d'une pensée maçonnique. C'est-à-dire que la morale elle-même va être le reflet des modalités de conduite édictées aux sociétés que nous avons à charge de drainer. Il s'agit donc d'édicter une nouvelle morale, une morale évolutive. Pour m'exprimer plus clairement : une morale qui prend en charge au jour le jour les vérités nouvelles, désormais démontrées dans le cadre du respect de la tradition.
A. M. — Ce qui m'a justement beaucoup frappé à propos de la tradition c'est l'importance que vous attribuez vous, vous un scientifique, au rituel. Vous dites que le rituel est pour le Maçon ce qu'est le microscope pour le biologiste.
P.-S. — Effectivement, je pense que dans les sciences nous avons acquis une certaine discipline et un procédé d'analyse qui permet de faire des recherches, de comparer, de synthétiser, d'élaborer et ensuite de découvrir. C'est ainsi que peuvent émerger des pensées nouvelles. La maçonnerie est une méthode scientifique née en définitive dans le cabinet d'architecte d'alors, qu'on appelait la Loge. Elle n'avait pas d'autre signification que la mise en lumière par les modalités expérimentales d'alors : certaines sont d'ailleurs érigées en art, c'est le cas de l'architecture, dont la méthodologie demeure actuelle.
Il en est de même pour celui qui, entrant dans une Loge maçonnique, va vouloir développer les modalités de sa réflexion et rechercher les nouvelles mesures au sens arithmétique du terme qu'il souhaite voir intégrer dans une morale nouvelle.
Eh bien le rituel, de par son fonctionnement assimilant le mécanisme de la recherche scientifique, m'avait d'ailleurs beaucoup rebuté avant mon entrée en maçonnerie ; ce rituel est un véritable instrument de travail et c'est pourquoi je l'ai comparé au microscope du biologiste.
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