« Socrate, en réhabilitant le sens de la définition, réhabilitera le sens de la vérité »
par Eric Martin
Nouvelles de France a rencontré Jean de Rouen, philosophe et auteur d’Apprendre à penser à l’école du réel, initiation à la philosophie, aux éditions des Cimes.
Jean de Rouen, pensez-vous, en écrivant une initiation à la philosophie, que la philosophie soit destinée à tous ?
La philosophie est un exercice naturel à l’intelligence humaine. « Tous les hommes désirent naturellement savoir », observe Aristote en exergue de sa Métaphysique. N’est-ce pas ce dont témoigne le questionnement intarrissable de l’enfant ? L’homme est en effet un « animal raisonnable » : il est donc fondamentalement en quête de sens. Or, c’est précisément la philosophie qui portera à son aboutissement la réflexion qui se trouve en tout homme. D’ailleurs, notre manière de vivre, à elle seule, induit une philosophie : c’est dire à quel point il est difficile d’y échapper.
Si la philosophie est naturelle à l’intelligence humaine, pourquoi a-t-on souvent l’impression qu’elle est réservée à une élite ?
Pour chaque réalité naturelle, la philosophie recherche l’explication la plus ultime. En ce sens, la philosophie est la plus élevée des sciences. Elle aborde des vérités universelles, non sensibles, qui ne nous sont pas familières parce qu’elles sont les plus éloignées de notre expérience. Aristote nous avise, dans la Métaphysique, que notre esprit se tient, devant les objets les plus élevés de la philosophie, aveuglés comme les yeux d’une chouette devant le soleil.
Cela explique le découragement que peut ressentir l’intelligence devant une science aussi exigente. Un découragement souvent accru car l’on entend trop souvent affirmer, au regard des contradictions qui subsistent dans le domaine des idées, que l’intelligence n’est finalement pas faite pour atteindre des vérités certaines et définitives. Mais affirmer qu’il n’y a pas de vérité, n’est-ce pas déjà affirmer une vérité ?
Ne faut-il pas adopter une certaine attitude intellectuelle pour entrer en philosophie ?
La relation que l’intelligence entretient avec le monde extérieur est le creuset d’où jaillit son questionnement. Lorsque l’intelligence affronte le réel, les interrogations qu’elle formule supposent et révèlent son étonnement face à des réalités qui semblent d’abord lui échapper. Ces réalités sont de tous ordres : anthropolgique, éthique, politique, métaphysique, artistique. Il reste que les choses ne répondent qu’aux questions qu’on leur pose : si ces réalités n’éveillent pas d’abord notre curiosité et ne provoquent pas notre questionnement, nous ne progresserons jamais dans leur connaissance. Il faut donc apprendre à s’émerveiller face au réel ! Cette admiration que nous portons sur les choses maintient l’intelligence en éveil. Ensuite, la philosophie s’emploiera à apporter à nos interrogations la plus haute explication susceptible d’étancher notre soif de connaître.
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