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viernes, 9 de mayo de 2014

Philippe Conte rappelle la saisissante actualité de Soljenitsyne.


Nos jeunes

Par Philippe Conte



Alexandre Soljenitsyne rédige en1995 trois courts récits intitulés « Nos jeunes » qui décrivent les différentes voies par lesquelles la jeunesse soviétique est amenée, dans les années 30, à adhérer à la « nouvelle culture », à la « nouvelle idéologie ». 

Ce petit ouvrage peu connu est cependant d’une actualité surprenante ! 

En effet les mécanismes à l’œuvre sont exactement ceux utilisés par les « jusqu’auboutistes » du « gender » aujourd’hui ; avec la différence qu’ils étaient alors appuyés par les moyens de l’OGPU.

Un de ces courts récits est particulièrement intéressant ; c’est le chapitre 2 de la nouvelle intitulée « Nastenka » qui conte la vie d’une jeune fille dont la première éducation date du lycée impérial mais qui doit quitter son établissement pour finir ses études d’enseignante après la révolution.

Dès cet instant apparaissent toutes les techniques propres aux dérives totalitaires : l’établissement où elle est formée est rebaptisé « institut industrialo-pédagogique » puisque, dans la vision nominaliste des idéologies, il suffit de changer l’appellation d’une chose pour changer la chose elle-même ! 

Dans une logique similaire le gouvernement 
« proclame Rostov-sur-le-Don ville entièrement alphabétisé » 
bien que comme le fait remarquer l’auteur 
« ‘qu’il restât un nombre plus que suffisant d’analphabètes » !

Dans la même veine (où nous pourrions également reconnaître bien des aspects du pédagogisme post 1968),
« les écoles pratiquent la méthode de brigade-laboratoire : l’enseignant ne dirigeait pas la classe et ne mettait pas de notes individuelles. Les élèves étaient répartis en brigades de quatre ou cinq ; pour cela, les bancs étaient tournés dans divers sens, un membre de chaque brigade lisait à mi-voix quelque extrait du manuel sur feuilles volantes. Ensuite, l’enseignant demandait qui allait répondre pour toute la brigade. Ensuite il répondait satisfaisant ou très satisfaisant, c’est S ou TS qui était attribué à chaque membre de la brigade ».
Faut-il rappeler qu’il s’agit, non d’une classe expérimentale de l’école d’aujourd’hui, mais de la dérive d’un système vieux de près d’un siècle dont l’obsolescence a marqué nos jeunes années ?

Ce parallèle effrayant continue par toutes les annotations qui montrent, dans la nouvelle d’Alexandre Soljenitsyne, la « liquidation » des auteurs classiques russes (Dostoïevski, Leskov, Tolstoï,…) devenus « contraires à la ligne » disait-on à l’époque. 

On dirait aujourd’hui « politiquement incorrecte » où auteurs de « dérapages » ! 

On peut en effet légitimement s’interroger sur l’avenir de Shakespeare, de Molière, de Balzac, etc. tous victimes consentantes de « stéréotypes de genre » ! 

Faudra-t-il les expurger comme ce fut le sort de Lermontov et de Pouchkine ?

C’est hélas très envisageable au regard des « relectures » récentes des contes par Hollywood ! 

Que l’on songe au sort malheureux de Blanche-Neige dans « Blanche-neige et le chasseur » où la pauvre Princesse a, sans doute, fait un détour par les temples Chao-Lin pour apprendre « l’art de la guerre » ! 

Ou encore à « Maléfique » qui reprend « la Belle au bois dormant » du point de vue de la sorcière devenue également (stéréotype de genre à l’envers ?) chef de guerre pour l’occasion !

Finalement, dans l’Union Soviétique des années trente, on avait fini par envoyer sur les roses ces auteurs ; « dead, white, males » dirait-on aujourd’hui ! On donnait la préférence aux œuvres récentes, des textes du genre :
« Je ne veux plus de nom, donnez-moi en échange une lettre, un surnom ou bien un numéro ». Ce « poème » n’est-il pas un écho anticipé de ces parents qui aujourd’hui souhaiteraient ne pas donner de prénom à leur enfant pour ne pas les prédéterminer dans leur « orientation sexuelle » ?
On sait quel naufrage fut le système soviétique qui par cette « éducation nouvelle » a brisé le ressort moral de sa population. Les enseignants et les parents alors comme aujourd’hui sont pris dans le dilemme de la résistance et la nécessité de permettre aux enfants d’être adaptés au monde où ils devront vivre. 

Devant les nouvelles consignes, les nouvelles publications, les nouveaux journaux, les nouvelles œuvres, Nastenka se disait :
« impossible, vraiment, de laisser des adolescents prendre du retard, c’était tout de même dans ce monde-ci qu’ils allaient devoir vivre, il fallait les aider à y entrer ».
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