Par Claire L'Hoër
25 avril 1248. Le jour anniversaire de la naissance du roi, une flotte quitte le port d’Aigues-Mortes en direction du Levant. Le roi de France accomplit son voeu le plus cher : il prend la tête de la septième croisade.
C’est au cours de l’hiver 1244 que le roi Louis a failli succomber. Une maladie l’a plongé dans un coma dont il n’est ressorti qu’en serrant un morceau de la vraie croix sur son coeur. Le geste est symbolique. L’entourage royal a pâli. Le roi ne peut partir à la croisade : qui s’occupera des affaires du royaume ? Mais la reine Blanche a compris que le voeu était irrévocable. Elle repose doucement le morceau de bois sur la poitrine de son fils. Il est vivant. Cela seul importe.
Louis IX est le petit-fils de deux rois d’exception. Son grand-père Philippe Auguste a vaincu l’empereur à Bouvines, en 1214, l’année même de sa naissance. Son grand-père Alphonse VIII de Castille a battu les Sarrasins en 1212 à Las Navas de Tolosa, enclenchant le processus inéluctable de la Reconquista. À la fois carolingien par sa grand-mère et capétien par son grand-père, un sang guerrier coule dans ses veines. Sa mère, Blanche de Castille, fut son meilleur maître en matière de combat. Car la reine, devenue régente à la mort de son époux, a elle-même été élevée dans les citadelles assiégées de Castille. Elle a grandi au milieu des plans de bataille, des hauberts et des épées.
Héritage de son propre père, elle transmet trois règles d’or à son fils : couper les jarrets de l’ennemi avant même l’engagement ; aller le chercher chez lui, au réveil, en chemise, avant qu’il n’ait eu le temps de revêtir la cotte de mailles ; ne jamais prendre son reste, savoir résister à la tentation de l’humiliation et surprendre par sa bonté. « Largesse vaut mieux que prouesse », rappelle Philippe de Villiers dans son Roman de Saint Louis. Pour Blanche et pour Louis IX après elle, la guerre se gagne autant par la négociation que par les armes.
Roi de justice et de paix à l’intérieur du royaume, Louis est intimement préoccupé d’affaires religieuses. À mesure qu’il avance en âge, la vie du Christ lui apparaît de plus en plus comme un modèle. C’est dans l’histoire sainte qu’il a trouvé la force de monter sur le trône étant enfant ; c’est auprès des frères des ordres mendiants, franciscains et dominicains, qu’il trouve l’inspiration de son gouvernement. François d’Assise est mort l’année même de son couronnement. Louis est touché par le renouveau qui souffle sur l’Église sous l’impulsion du Poverello. Le roi passe régulièrement la nuit à l’abbaye de Royaumont qu’il a fait édifier près de Paris. Il prie avec les moines et soigne des lépreux. Chaque fête somptueuse, chaque festin royal donne lieu à bien des aumônes et donations aux institutions de charité. Le roi porte un cilice le vendredi, pratique la flagellation. Sa piété se renforcera avec la mort de son fils aîné, Louis, un sage jeune homme de 16 ans.
En 1237, l’empereur de Constantinople, Baudouin II, est venu jusqu’à lui : il a mis en gage la couronne d’épines du Christ auprès d’un marchand vénitien afin de financer la guerre contre les Bulgares. Louis a proposé de la dégager. Après avoir acquis cette sainte relique, le roi a également fait venir à Paris un morceau de la vraie croix, de la sainte lance et de la sainte éponge. Et pour accueillir un trésor aussi inestimable, il a demandé à Pierre de Montreuil de bâtir une gigantesque châsse de verre au coeur de l’île de la Cité : la Sainte-Chapelle, merveille de technique et d’audace.
Il finit naturellement par succomber à la tentation de la croisade malgré l’avis de ses conseillers. Comment mieux servir Dieu qu’en libérant Jérusalem et en convertissant les infidèles ? Louis IX va passer plus de six années hors du royaume. S’il a fait le voeu de se croiser, il ne peut pourtant pas partir seul. Il lui faut lever une armée. Ses trois frères Robert d’Artois, Alphonse de Poitiers et Charles d’Anjou seront à ses côtés, ainsi que son épouse, Marguerite, encore jeune. Mais les barons sont peu enclins à délaisser leurs terres pour courir l’aventure. La dernière croisade a surtout servi les intérêts de l’empereur Frédéric II. De plus, le pape, enferré dans sa querelle avec l’empereur, n’accorde qu’une importance secondaire au projet du roi de France. Louis use alors d’un subterfuge. Reprenant la vieille tradition des étrennes de Noël, il offre à tous les seigneurs venus assister à la messe de 1244 un épais manteau de fourrure qu’ils s’empressent de revêtir. À la lumière du jour naissant, ils découvrent avec stupeur qu’une croix de fils d’or a été cousue sur l’épaule. Leur engagement est désormais irrévocable.
Pendant quatre années, Louis prépare minutieusement son expédition. Le royaume réorganisé lui offre assez de ressources pour la financer. Les principaux ports de la Méditerranée sont en terre d’empire. Louis IX décide d’aménager Aigues-Mortes, son seul passage en terre française. Un chenal est creusé, des fortifications construites, la tour de Constance édifiée. Prendre la mer est une épreuve pour ces hommes de la terre. Après une traversée agitée par les tempêtes, les 17 000 croisés parviennent enfin à Chypre, point de ralliement des différentes armées. Louis IX craint que les hommes ne s’amollissent au contact des douceurs de l’Orient. Mais ils vont reprendre des forces et laisser passer l’hiver.
Au printemps 1249, alors qu’on vient d’apprendre la prise de Séville par Ferdinand III de Castille, la flotte croisée repart pour une destination inconnue. Louis a remis une lettre à chaque capitaine, avec ordre de ne l’ouvrir qu’une fois en mer pour ménager l’effet de surprise sur l’adversaire. La flotte se dirige vers Damiette, en Égypte. Le roi espère échanger la ville contre Jérusalem. Son engagement est si fort qu’il néglige les conseils de prudence de ses familiers et de sa mère demeurée en France pour administrer le royaume : « Soudain, n’y tenant plus, Louis descendit dans une galée pour rejoindre son armée, alors qu’il avait promis à ses barons de ne se rendre à terre que lorsque la chevalerie aurait fait son ouvrage », raconte Louis Bériot dans sa biographie du roi. Devant cet assaut implacable, la ville tombe le 8 juin. Un office est célébré dans la cathédrale abandonnée. Les croisés se reposent quelque temps puis prennent la route de la Mansoura. Le Caire doit être l’étape suivante. Marguerite, enceinte de son sixième enfant, a la charge de veiller sur Damiette
Huitième croisade. Le roi Louis IX, à la tête de ses croisés s'empare de Carthage en 1270. Il meurt à Tunis le 25 août, d'une dysentrie
Source: www.facebook.com/VexillaGalliae
25 avril 1248. Le jour anniversaire de la naissance du roi, une flotte quitte le port d’Aigues-Mortes en direction du Levant. Le roi de France accomplit son voeu le plus cher : il prend la tête de la septième croisade.
C’est au cours de l’hiver 1244 que le roi Louis a failli succomber. Une maladie l’a plongé dans un coma dont il n’est ressorti qu’en serrant un morceau de la vraie croix sur son coeur. Le geste est symbolique. L’entourage royal a pâli. Le roi ne peut partir à la croisade : qui s’occupera des affaires du royaume ? Mais la reine Blanche a compris que le voeu était irrévocable. Elle repose doucement le morceau de bois sur la poitrine de son fils. Il est vivant. Cela seul importe.
Louis IX est le petit-fils de deux rois d’exception. Son grand-père Philippe Auguste a vaincu l’empereur à Bouvines, en 1214, l’année même de sa naissance. Son grand-père Alphonse VIII de Castille a battu les Sarrasins en 1212 à Las Navas de Tolosa, enclenchant le processus inéluctable de la Reconquista. À la fois carolingien par sa grand-mère et capétien par son grand-père, un sang guerrier coule dans ses veines. Sa mère, Blanche de Castille, fut son meilleur maître en matière de combat. Car la reine, devenue régente à la mort de son époux, a elle-même été élevée dans les citadelles assiégées de Castille. Elle a grandi au milieu des plans de bataille, des hauberts et des épées.
Héritage de son propre père, elle transmet trois règles d’or à son fils : couper les jarrets de l’ennemi avant même l’engagement ; aller le chercher chez lui, au réveil, en chemise, avant qu’il n’ait eu le temps de revêtir la cotte de mailles ; ne jamais prendre son reste, savoir résister à la tentation de l’humiliation et surprendre par sa bonté. « Largesse vaut mieux que prouesse », rappelle Philippe de Villiers dans son Roman de Saint Louis. Pour Blanche et pour Louis IX après elle, la guerre se gagne autant par la négociation que par les armes.
Roi de justice et de paix à l’intérieur du royaume, Louis est intimement préoccupé d’affaires religieuses. À mesure qu’il avance en âge, la vie du Christ lui apparaît de plus en plus comme un modèle. C’est dans l’histoire sainte qu’il a trouvé la force de monter sur le trône étant enfant ; c’est auprès des frères des ordres mendiants, franciscains et dominicains, qu’il trouve l’inspiration de son gouvernement. François d’Assise est mort l’année même de son couronnement. Louis est touché par le renouveau qui souffle sur l’Église sous l’impulsion du Poverello. Le roi passe régulièrement la nuit à l’abbaye de Royaumont qu’il a fait édifier près de Paris. Il prie avec les moines et soigne des lépreux. Chaque fête somptueuse, chaque festin royal donne lieu à bien des aumônes et donations aux institutions de charité. Le roi porte un cilice le vendredi, pratique la flagellation. Sa piété se renforcera avec la mort de son fils aîné, Louis, un sage jeune homme de 16 ans.
En 1237, l’empereur de Constantinople, Baudouin II, est venu jusqu’à lui : il a mis en gage la couronne d’épines du Christ auprès d’un marchand vénitien afin de financer la guerre contre les Bulgares. Louis a proposé de la dégager. Après avoir acquis cette sainte relique, le roi a également fait venir à Paris un morceau de la vraie croix, de la sainte lance et de la sainte éponge. Et pour accueillir un trésor aussi inestimable, il a demandé à Pierre de Montreuil de bâtir une gigantesque châsse de verre au coeur de l’île de la Cité : la Sainte-Chapelle, merveille de technique et d’audace.
Il finit naturellement par succomber à la tentation de la croisade malgré l’avis de ses conseillers. Comment mieux servir Dieu qu’en libérant Jérusalem et en convertissant les infidèles ? Louis IX va passer plus de six années hors du royaume. S’il a fait le voeu de se croiser, il ne peut pourtant pas partir seul. Il lui faut lever une armée. Ses trois frères Robert d’Artois, Alphonse de Poitiers et Charles d’Anjou seront à ses côtés, ainsi que son épouse, Marguerite, encore jeune. Mais les barons sont peu enclins à délaisser leurs terres pour courir l’aventure. La dernière croisade a surtout servi les intérêts de l’empereur Frédéric II. De plus, le pape, enferré dans sa querelle avec l’empereur, n’accorde qu’une importance secondaire au projet du roi de France. Louis use alors d’un subterfuge. Reprenant la vieille tradition des étrennes de Noël, il offre à tous les seigneurs venus assister à la messe de 1244 un épais manteau de fourrure qu’ils s’empressent de revêtir. À la lumière du jour naissant, ils découvrent avec stupeur qu’une croix de fils d’or a été cousue sur l’épaule. Leur engagement est désormais irrévocable.
Pendant quatre années, Louis prépare minutieusement son expédition. Le royaume réorganisé lui offre assez de ressources pour la financer. Les principaux ports de la Méditerranée sont en terre d’empire. Louis IX décide d’aménager Aigues-Mortes, son seul passage en terre française. Un chenal est creusé, des fortifications construites, la tour de Constance édifiée. Prendre la mer est une épreuve pour ces hommes de la terre. Après une traversée agitée par les tempêtes, les 17 000 croisés parviennent enfin à Chypre, point de ralliement des différentes armées. Louis IX craint que les hommes ne s’amollissent au contact des douceurs de l’Orient. Mais ils vont reprendre des forces et laisser passer l’hiver.
Au printemps 1249, alors qu’on vient d’apprendre la prise de Séville par Ferdinand III de Castille, la flotte croisée repart pour une destination inconnue. Louis a remis une lettre à chaque capitaine, avec ordre de ne l’ouvrir qu’une fois en mer pour ménager l’effet de surprise sur l’adversaire. La flotte se dirige vers Damiette, en Égypte. Le roi espère échanger la ville contre Jérusalem. Son engagement est si fort qu’il néglige les conseils de prudence de ses familiers et de sa mère demeurée en France pour administrer le royaume : « Soudain, n’y tenant plus, Louis descendit dans une galée pour rejoindre son armée, alors qu’il avait promis à ses barons de ne se rendre à terre que lorsque la chevalerie aurait fait son ouvrage », raconte Louis Bériot dans sa biographie du roi. Devant cet assaut implacable, la ville tombe le 8 juin. Un office est célébré dans la cathédrale abandonnée. Les croisés se reposent quelque temps puis prennent la route de la Mansoura. Le Caire doit être l’étape suivante. Marguerite, enceinte de son sixième enfant, a la charge de veiller sur Damiette
Huitième croisade. Le roi Louis IX, à la tête de ses croisés s'empare de Carthage en 1270. Il meurt à Tunis le 25 août, d'une dysentrie
Source: www.facebook.com/VexillaGalliae
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