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sábado, 17 de agosto de 2013

L’avocat Jacques Vergès est mort à 88 ans.

Jacques Vergès, le défenseur des indéfendablesTerroristes, nazis, dictateurs... l'avocat s'est taillé une réputation en défendant des personnalités condamnées par l'Histoire.

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Jacques Vergès, l'homme aux mille vies



Il n'avait ni dieu ni maître, mais "toujours un coup d'avance". L'avocat est décédé jeudi 15 août à l'âge de 88 ans, de causes naturelles. 

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Mais le trublion aimait jouer sur plusieurs fronts. En pleine guerre, il prend contact à Londres avec les représentants du PCF, "en prévision d'une autre guerre qui ne manquerait pas de survenir au lendemain de la victoire et que je livrerais à la France colonialiste". Entre deux conflits, Vergès poursuit ses études de droit. "Je me suis dit, agitateur public ne fait pas une vie. Le droit n'était pas ma vocation, j'ai étudié l'histoire et les langues, mais je me suis dit qu'avec ce métier je serais libre." Il prête serment en 1955 et devient premier secrétaire de la Conférence, "comme Raymond Poincaré et Paul Reynaud", aimait-il à préciser.

"S'offrait à moi une carrière consensuelle et honorable : intégrer un cabinet d'affaires, faire un riche mariage, posséder un manoir à deux cents kilomètres de Paris et orner mes complets-vestons d'une Légion d'honneur." À la place, il prend un billet pour Alger afin d'y défendre les militants algériens du FLN. "Là où mes confrères cherchent la réussite sociale, moi je cherche la réussite professionnelle", expliquait-il. Il est désigné pour défendre Djamila Bouhired, inculpée pour ses actes de terrorisme, torturée et condamnée à mort. Pour stratégie, Vergès prend à témoin l'opinion publique et fait de la "légende de la casbah" l'illustration des "tortures infligées par l'armée aux combattants algériens", obtenant sa grâce. Sa cliente devient son épouse et la mère de ses deux enfants.

À l'indépendance de l'Algérie, il prend la nationalité algérienne et se fait appeler "Mansour". Il devient le chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères et fonde avec son épouse une revue tiers-mondiste, Révolution africaine. Il part pour la Chine, rencontre Mao et se rallie aux thèses maoïstes.
"Pars !"

La Ville blanche devient trop petite pour ses ambitions. L'ennui le guette. Vient alors la cause palestinienne. Jacques Vergès devient l'avocat des responsables de la nouvelle Organisation de libération de la Palestine. Mais l'aventure tourne court. "Un soir de mars, ma porte s'est ouverte et le vent m'a soufflé : Pars !, et je suis parti pour des aventures qui ont duré neuf ans." Personne ne sait vraiment ce qu'il est advenu de Jacques Vergès. Sa femme et ses amis lancent un appel à témoins dans la presse. On le dit à Damas, à Moscou, poursuivi par le Mossad, fuyant une grosse dette ou aux côtés des Khmers rouges chez Pol Pot. "J'étais un peu partout. Parti vivre de grandes aventures qui se sont soldées en désastre, glissait-il aux curieux. Nombre de mes amis sont morts, et, pour les survivants, un pacte de silence me lie à eux."

Il réapparaît à Paris à la fin des années 70 "sans chemise, sans pantalon, comme dit la chanson". Il reprend la robe et tourne le dos à la politique. Il défend Klaus Barbie, un des anciens responsables de la Gestapo de Lyon, et fait du prétoire une salle de spectacle. Comme il le fera pour défendre le révolutionnaire Carlos, "la diabolique" Simone Weber, Omar Raddad ou encore Laurent Gbagbo. "J'ai encore beaucoup de choses à dire", nous avait confié Jacques Vergès. 




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Jacques Vergès

Dans l’antichambre de son cabinet, une collection de jeux d’échecs du monde entier rappelle au visiteur que l’homme, grand joueur, a le sens de la stratégie.Accrochées aux murs, des gravures romantiques façon Bernardin de Saint-Pierre évoquent les fragrances de son île natale,La Réunion. (Il est le fils d’une institutrice vietnamienne et d’un médecin réunionnais nommé consul de France en Thaïlande; son frère jumeau, Paul, député européen communiste, est président du conseil régional de l’île.) Derrière les volutes de son Puro (sa carapace), le bouddha du barreau reste une énigme, pas du genre à se laisser aller au détour de la conversation à une confidence sur sa longue parenthèse de huit ans (disparition, de 1970 à 1978, qui fit couler beaucoup d’encre et est l’objet de son roman à clef l’Agenda).

À 17 ans, bac en poche, ce condisciple de Raymond Barre au lycée Leconte-de-Lisle s’engage au sein des Forces françaises libres, participe aux campagnes d’Afrique du Nord, d’Italie et de France puis débarque à Paris à la Libération et y devient avocat. Ce militant anticolonialiste, membre du PCF, sauve la tête de Djamila Bouhired, la pasionaria du FLN, avant de l’épouser. Maoïste, il rencontre le Grand Timonier puis se fait le portedrapeau de la cause palestinienne. Durant des décennies, le ténor du barreau va défendre avec la même fougue Klaus Barbie, Omar Raddad ou Simone Weber et contribuer à médiatiser des affaires à la lisière du politique et du judiciaire (écoutes de l’Élysée, sang contaminé, paillotes corses) : « J’exerce la plus belle des professions,permettant d’assumer l’humanité dans sa globalité. On est à la fois l’avocat du policier comme celui de l’assassin, de la victime de l’attentat comme du terroriste. » Avec l’Avocat de la terreur, le réalisateur Barbet Schroeder lui consacre en 2007 un documentaire présenté à Cannes: « Je me suis beaucoup amusé à venir assister incognito aux projections de ce film réquisitoire.Pourtant, à la sortie, les spectateurs m’adressaient souvent un sourire complice… »

Pour l’heure,Vergès,prince noir de la rhétorique et de la formule lapidaire, aime toujours vitupérer : « Contre les ayatollahs de la pensée unique, ces tartuffes qui clouent au pilori la Russie et reconnaissent le Kosovo. Moi, je me revendique de cet esprit français, cette tradition d’indépendance farouche, celle de Malraux acceptant d’être l’exécuteur testamentaire de Drieu, de Léon Daudet votant pour que Proust obtienne le Goncourt. Avec mes confrères Tixier-Vignancour ou Isorni, nous avions d’excellents rapports et une admiration mutuelle. Aujourd’hui, la profession a changé, il n’y a plus de transcendance. »

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