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viernes, 16 de enero de 2015

Mgr Dominique Rey : "Le relativisme fait le lit du fondamentalisme"


Homélie de Mgr Dominique Rey, prononcée  lors de la messe dominicale qu’il a présidée à la cathédrale de Toulon. 


L'évêque de Fréjus-Toulon a évoqué longuement les attentats terroristes qui ont frappé la France : « Notre société doit s’interroger sur l’enchaînement de ces violences. »


Homélie pour le baptême du Seigneur

Traumatisme - effroi - sidération - consternation. L’émotion a été à son comble ces derniers jours, face à ces attaques terroristes qui ont frappé des journalistes et des policiers, ceux qui rendent compte de notre liberté, et ceux qui la protègent. Mais aussi nous pensons aux autres victimes innocentes qui se trouvaient par hasard sur les lieux du drame.

La France est en deuil. À Paris, dans toutes les villes de France, et même à travers le monde, de partout des marches silencieuses, recueillies, dignes et déterminées ont été organisées à l’appel des autorités civiles et religieuses pour exprimer à la fois l’indignation face au fanatisme et la volonté de défendre les valeurs démocratiques sur lesquelles repose le pacte social, en particulier la liberté de conscience et la liberté d’expression. Cette insurrection morale qui a mobilisé nos compatriotes dans un raz-de-marée à la fois paisible et impressionnant (4 millions de Français ont défilé) invite nos gouvernements et les médias à ne pas capituler, à ne pas s’endormir face à un fanatisme conquérant et totalitaire qui entretient la haine et veut faire des martyrs.

Il y a le temps de l’émotion, le temps des réactions spontanées, abasourdies devant ces assassinats barbares, quasiment retransmis en direct sur les réseaux sociaux avec les prises d’otages, la course-poursuite des forces de sécurité aux trousses des agresseurs, l’assaut final des forces de l’ordre. Violence scénarisée d’un macabre « thriller » qui tenait le public en haleine et attisait la peur. La France est devenue un immense écran géant pour diffuser en continu, instant après instant, le déroulement du script. Les images qui tournaient en boucle, participaient avec complaisance au déferlement de l’émotion, en exacerbant la tragédie, quitte à se livrer à des amalgames.

Après le temps de l’émotion, vient le temps de la prière. Nous sommes rassemblés aujourd’hui au nom du Seigneur, autour du Seigneur, intercédant pour toutes les victimes de ces atrocités, pour notre pays ensanglanté, meurtri face au terrorisme qui frappe dans d’autres parties du monde, en particulier au Moyen Orient. Je pense notamment à nos frères chrétiens de Syrie et d’Irak persécutés au nom de leur foi. Je pense aussi à ces 2000 chrétiens et musulmans assassinés au Nigéria par Boko Haram.

Face à l’ignominie de ces meurtres abjects, montent en nous ces questions essentielles : Pourquoi en est-on arrivé là ? Où se trouvent les racines et les motifs d’un tel carnage ? Pourquoi au nom de Dieu, attenter à des vies humaines qui en portent l’image ? Pourquoi, en quelque sorte, au nom de Dieu s’en prendre à Dieu ? Dénaturation d’une foi devenue aveugle, d’une foi déroutée, qui a déraillé, qui s’est pervertie, qui est devenue sanguinaire.

Toute violence religieuse est contradictoire en ses termes. Religion vient du latin religere, prendre, réunir. Ici on sépare à jamais, on tue l’autre au lieu de chercher à le servir et à le sauver comme nous y invite l’Évangile.

L’origine de cette violence se trouve dans une interprétation dévoyée de l’islam. Les musulmans sont appelés à un vrai examen de conscience sur ces dérives. Ils doivent se désolidariser d’un islam radical, qui les déshonore et auquel on ne doit pas les identifier.

La violence trouve aussi sa source dans la désocialisation, la marginalisation des jeunes sans repères, en échec familial, scolaire, professionnel qui assouvissent leur rêve adolescentrique de toute-puissance dans le djihadisme, qui règlent leur compte à une société où ils n’ont pas trouvé leur place et qui les laisse sans avenir.

« Le relativisme fait le lit du fondamentalisme »

Le philosophe anglais David Hume soulignait que la terreur gagnait des sociétés qui avaient perdu l’enthousiasme collectif. Le relativisme moral et religieux envahit nos sociétés postmodernes où les grandes utopies politiques et idéologiques se sont effondrées, où la place du religieux a été effacée par la perte de transcendance et d’intériorité, où l’individu consumériste n’a plus d’autre horizon que lui-même, rivé à son ego.

Un tel relativisme érigé en prêt-à-penser, fait inévitablement le lit du fondamentalisme. Lorsqu’une culture ne donne plus des raisons sublimes de vivre, parce qu’elle a oublié l’héritage ou perdu la mémoire, elle s’en fabrique à partir des instincts les plus bas ou les plus vils. Lorsqu’on ne parvient plus au sein des familles, dans le cadre des institutions éducatives à transmettre ce lent et patient tissage de raison, d’histoire, de culture qui ouvrait à une morale universelle et un vivre ensemble et lorsque la conscience religieuse s’évanouit ou se réduit à un résidu laïcisé…, alors cette société fait sauter, sans toujours s’en rendre compte, la barrière qui fermait la route à la brutalité de la nature, à l’exacerbation des passions, et aux revendications narcissiques.

Il est symptomatique que les terroristes s’en soient pris à un journal satirique réputé pour ses outrages, ses sarcasmes, ses caricatures blasphématoires. « On doit pouvoir rire de tout » avouait fièrement un de ses responsables. Le rire s’est changé en larmes. L’assaut des kalachnikovs a répliqué à l’agression des mots et des images. « Un dessin est un fusil à un coup » disait Cabu. Il vient d’en payer le prix.

En même temps qu’on doit dénoncer le fanatisme religieux, notre société doit s’interroger sur l’enchaînement des violences qui la traversent.

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https://www.youtube.com/watch?v=fjuOEnfInc8



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