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lunes, 5 de enero de 2015

Poutine est un pragmatique. Il s’adapte aux circonstances, aux forces et aux faiblesses de ses adversaires...


«Poutine est avant tout un pragmatique»

Entretien avec Frédéric Pons, biographe du président russe



Frédéric Pons dirige le service international de Valeurs actuelles. Il vient de publier une biographie du président russe, Poutine (Calmann-Lévy).

Daoud Boughezala : Au cours de ses quatorze années à la tête de la Russie, Vladimir Poutine a soufflé le chaud et le froid avec les oligarques, s’appuyant sur les uns, réprimant les autres (Berezovski, Khodorkovski). Depuis les années Eltsine le gros de l’économie ne reste-t-il pas aux mains d’une caste réduite de millionnaires ?
Frédéric Pons : Avec les oligarques, Vladimir Poutine a soufflé surtout le froid. Leur mise au pas est une constante de sa politique. Dès son arrivée au pouvoir (2000), il leur a mis un marché en mains : « Enrichissez-vous, mais à condition d’en faire aussi profiter l’économie russe et de ne pas vous occuper de politique ! » Son objectif était double : stopper leur pillage systématique des richesses nationales et en faire des relais de sa politique de puissance. Ceux qui ont accepté la règle ont pu s’enrichir. Les autres ont subi l’exil ou la prison. La population a apprécié. Cette politique du knout explique en grande partie la cote de popularité de Poutine. Les Russes lui savent gré de cette reprise de contrôle par l’Etat des richesses nationales.

Malgré ses haussements d’épaule occasionnels, Poutine n’est-il pas prisonnier d’une économie amorphe dépendante des revenus gazo-pétroliers ?

L’économie russe était hyper-centralisée et hyper-administrée sous les Soviétiques. Elle le reste sous bien des aspects, parce que le nouveau système n’a pas réussi à mettre en place le réseau de PME-PMI qui structure les économies occidentales. Poutine veut y arriver. Il l’avait annoncé dès décembre 1999, dans un texte inédit que je publie : «L’Etat doit agir où et quand on a besoin de lui ; la liberté doit exister où et quand elle est requise.»

Où en est vraiment l’économie russe ?

Elle est à la fois archaïque, marquée par trois quarts de siècles de communisme, et novatrice, avec des jeunes générations qui découvrent à peine les règles et les promesses de l’économie de marché. Les Russes apprennent très vite et la classe moyenne ne cesse de croitre. En 2003, elle représentait 29 % de la population. Aujourd’hui, c’est 42%, près de 60 millions de personnes. Cette économie reste en effet trop fortement dépendante des hydrocarbures, la cash-machine au service de la géopolitique de Poutine. Cette dépendance est un vrai risque, surtout si l’Occident prive la Russie des technologies qui lui sont nécessaires pour moderniser ses installations hors d’âge. Poutine le sait. Il a annoncé une ambitieuse politique de recherche et de hautes technologies. Pour l’instant, les résultats se font attendre.

Face à l’OTAN, Poutine a également évolué. Au lendemain du 11 septembre, il proposait une grande alliance avec les Etats-Unis de George W. Bush, avant que la guerre russo-géorgienne de 2008 n’émeuve les chancelleries occidentales. Le Kremlin navigue-t-il à vue ?

Poutine est un pragmatique. Il s’adapte aux circonstances, aux forces et aux faiblesses de ses adversaires, fidèle à une constante de la politique russe : la hantise de l’encerclement, qu’il vienne de l’est (Chine) ou de l’ouest (Otan, Etats-Unis). Malgré sa méfiance innée à l’égard de l’Otan, il avait réellement tenté de s’en rapprocher dans les années 2000. Les Russes assurent qu’ils avaient obtenu, en 1991, l’assurance de l’Allemagne et des Etats-Unis que l’Otan ne s’étendrait pas à l’est. L’intégration dans l’Otan des pays baltes, de la Pologne et d’autres pays de l’ancien bloc de l’Est a été pour eux une humiliation nationale. Leur réaction a été tardive mais brutale. D’abord en 2008, quand l’Otan a cherché à intégrer la Géorgie. Ensuite en 2013 en Ukraine, quand la perspective de voir Kiev rejoindre l’Otan s’est précisée. Moscou estime que l’Ukraine doit rester une passerelle entre l’Est et l’Ouest. En Géorgie comme en Ukraine, les Russes accusent les Américains d’avoir poussé à la roue et manipulé l’Europe, entraînée malgré elle, faute de politique cohérente. D’une manière générale, Poutine a profité de ces crises pour imposer le retour de son pays au premier plan international.

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