Lettre de Noël de l’évêque aux armées
« Chers soldats, solidaires dans la mission, camarades dans le courage,
Tout ne va pas si mal… puisque vous existez, audacieux et vivants.
Seuls les morts sont morts. Il n’y a pas d’état intermédiaire : le goût des cinéastes pour les zombies, les morts-vivants, condamne ceux qui y croient. Il ouvre une fausse piste, celle de la résignation, du découragement ou de la démission. Le zombie vit en n’étant plus vraiment un homme : il travaille sans enthousiasme, meurt sans amour, sert sans lendemain. Fuyons un tel modèle.
Nous, les vivants, nous portons la mémoire de nos morts. Mais nous n’imitons pas leur absence. Nous célébrons leur gloire, nous ne copions pas leur silence. S’ils nous parlaient encore, ils s’étonneraient de certaines humeurs bavardes ou de certains états d’âme démissionnaires. Ils rougiraient même de ce que les conditions qui vous sont faites aujourd’hui atteignent votre courage. Le soldat tient par sa mission et par sa passion nationales. Rien de ce qui tombe autour de lui, ne l’abat. En cela, il excelle.
Noël est une excellente occasion pour entendre à neuf l’appel à la ténacité prudente et au courage éclairé. Car Noël nous tend tous vers l’énergique présence de Dieu au milieu des affaires humaines. Il nous offre une splendide leçon de tactique : comment contourner le découragement et emporter l’enthousiasme alors que les temps sont durs, l’avenir obscur et le mérite oublié.
Par pitié, ne faisons plus de Noël un message pour gamin, un encouragement romantique à la pauvreté. Il s’agit de tout autre chose. Noël propose une stratégie de fidélité à la mission malgré le manque de moyens. Il est donc question de courage et de courage intelligent.
Pour aller à la crèche de Noël, regardons-nous bien sous l’angle du courage. Si notre courage se dresse spontanément en face du risque violent, au cœur d’actions fiévreuses où la peur nous assaille, il doit jaillir aussi comme une source fidèle en climat contraint, pesant, difficile. Le danger suscite le risque de mort mais le difficile use notre patience : les longues heures d’ennui, les complications administratives, les manques chroniques de moyens, le défaut de reconnaissance réclament aussi beaucoup de courage. Il prend alors la forme de la ténacité, de l’endurance, de la résistance à l’adversité.
Regardons-nous sous l’angle du courage intelligent. Nous le savons : la voix du budget écrase les autres. Ici on réduit, là on ferme. Ici et là, on se serre la ceinture. La question de savoir si le service que nous rendons est d’une autre nature que celui des autres n’est pas posée : seuls les chiffres parlent, ils imposent leur voix sévère. Tout autre discours est déjugé. Reconnaître que le mur d’enceinte de la ville, bien que coûteux, n’est pas équivalent aux murs des maisons qu’il protège, relève aujourd’hui d’une rêveuse vision du passé : une pierre en vaut une autre, nous dit-on, sa place dans la cité est oubliée. Que faire alors ? Etre intelligent.
Il n’est que de lire le récit de la nativité pour se persuader que Dieu ne se laisse pas détourner de son dessein par des circonstances médiocres, hasardeuses voire contraires. Rappelons les faits.
Le Christ naît à Bethléem. Cela ne va pas de soi : Joseph et Marie habitent à Nazareth, cent vingt kilomètres plus au Nord. Marie accouche là non par le choix d’une excellente maternité ou la proximité d’une famille accueillante. Personne ne les reçoit. C’est pourquoi ils vont loger à l’auberge. Mais ils sont à Bethléem pour des raisons politiques. L’accouchement survient alors qu’ils remplissent leur devoir de citoyen, obéissant au recensement ordonné par l’empereur César Auguste. Le politique, et c’est son droit, les met en condition de pauvreté, d’insécurité : celle du voyage, pénible pour une femme enceinte, celle de l’enfantement, impossible à la vue de tous. La salle commune ne convient pas à la mise au monde. Marie se réfugie dans la grotte attenante et l’enfant-Dieu surgit au milieu de la paille, dans la chaleur des animaux. Mais la mission divine se poursuit : Dieu n’interrompt pas son service de Salut au motif que les temps sont durs.
Les apparences de l’enfant ou les conditions de sa naissance vont contre lui : mais la force est à l’intérieur. Grâce à elle, le temps, terrible pour les faibles, joue pour lui. Etre sur la paille n’amoindrit pas sa vertu. A terme, à la longue, c’est elle qui resplendit.
A Noël, la ruse de Dieu l’emporte sur les mécanismes de destruction. Parce qu’elle est motivée par la passion pour le service. »
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