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lunes, 1 de junio de 2015

Pourquoi apprendre encore le Latin à l’ère du numérique ?


"En voulant supprimer le latin, on cherche à faire de nous des penseurs dociles, peut-être parce qu’on gouverne mieux des imbéciles."


Entretien avec Jean-Noël Robert

Après la publication du décret de la réforme du collège et alors que la circulaire d’adaptation est encore en débat, plusieurs spécialistes reviennent sur ce que peuvent apporter l’étude du grec, du latin, du Moyen-Âge et des Lumières. Aujourd’hui, entretien avec Jean-Noël Robert, latiniste et historien de Rome.


Atlantico : Pourquoi apprendre encore le Latin à l’ère du numérique ?

Jean-Noël Robert : La connaissance du latin, c’est tout simplement la connaissance de notre langue : 80% de notre vocabulaire vient du latin, notre grammaire est héritée du latin. Par conséquent, que nous le voulions ou non, nous parlons le latin. Souvent, je suis surpris de voir que même les personnes qui sont au sommet de l’Etat utilisent un vocabulaire approximatif.

On a parfois l’impression qu’ils ne connaissent pas le sens des mots. Ca crée un certain nombre de confusions. . Il y a pourtant du plaisir à savoir ce qu’on dit, à penser avec précision, outre que cela peut être utile…

Le latin, par sa rigueur, par sa précision et par son histoire est un élément qui structure l’esprit. Je me rappelle avoir entendu le Pr Laurent Schwartz expliquer un jour que le latin était plus formateur pour l’esprit que les mathématiques. En nous obligeant à une distanciation entre le langage et la pensée, le latin nous offre la possibilité d’une expérience de la pensée autonome. C’est un élément essentiel, car sans cela nous allons avoir des petits perroquets qui répètent tout ce qu’on leur apprend mais restent muselés par une pensée unique. Et j’ai l’impression qu’en voulant supprimer le latin, en voulant empêcher ce moyen d’acquérir une pensée personnelle et critique, on cherche à faire de nous des penseurs dociles, peut-être parce qu’on gouverne mieux des imbéciles.

Apprendre une langue, vous l’avez dit, c’est adopter des structures de pensée. C’est aussi intégrer l’héritage d’une civilisation. Que devons-nous principalement aux Romains ?

Quels sont ceux qui ont uni sous leur loi les peuples du monde ancien en généralisant la pax romana jusqu’aux confins de l’empire ? Quels sont ceux qui ont façonné un modèle qui a permis à tous ces hommes de s’unir et de s’identifier ? Ce sont les Romains. Si on veut éviter l’émiettement des cultures qui forment la civilisation européenne, il faut se retrouver dans cette volonté d’être un tout, retrouver une culture signifiante qui étaie notre quête de communauté. On nous parle tous les jours de l’Europe. Rappelez-vous Kissinger disant : "l’Europe, quel numéro de téléphone ?" Eh bien l’Europe a un numéro de téléphone : c’est la ligne des Romains.


Le traité de Maastricht dit dans son article 8 : "Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne qui a la nationalité d’un Etat-membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas." C’est-à-dire que comme à Rome où on était citoyen de Rome et de sa petit patrie, pour reprendre les mots de Cicéron, si on veut avoir des citoyens de l’Union, il faut avoir des gens qui ont leur originalité de langue et de pensée et en même temps qui puissent se comprendre et se sentir en communauté. Or le latin est la langue de la culture européenne, non pas une langue morte, mais une langue mère. Elle est notre substrat commun. Je ne porte là aucun jugement de valeur : elle n’est ni meilleure, ni moins bonne qu’une autre, mais c’est un fait.

Le latin serait donc un facteur d’intégration ?

Nous ne sommes que les maillons d’une chaîne, qui nous relie dans le temps et dans l’espace.

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