L’Europe doit fonder
la doctrine de sa propre survie
Entretien avec Pascal Esseyric réalisé par Nicolas Gauthier
Aujourd’hui, tout le monde critique l’actuelle construction européenne, mais tous les partis politiques en présence sont, peu ou prou, pour cette même construction européenne. Alors, Europe fédérale, confédérale ? Europe des nations ? Ou encore Europe fondée sur la coopération de nations souveraines ?
Vous avez cité quatre formes juridiques d’organisation de notre continent. Pourquoi pas ? En auriez-vous cité quarante, quatre cents, ou même quatre mille que vous n’auriez réglé aucune des tares originelles de l’Europe de Bruxelles. Tous les cinq ans, à l’occasion des élections européennes, c’est le type même de questionnement qui gangrène les débats et fait s’affronter les « souverainistes » et les « européistes ». Il faut se défaire de l’illusion institutionnaliste pour s’attaquer au fond du problème : à savoir les priorités existentielles auxquelles l’Europe refuse de répondre. Le colloque « Europe-marché ou Europe-puissance » que la revue Éléments organise ce samedi 26 avril ne sombrera pas dans le juridisme. Nos intervenants ne décideront pas in abstracto de la meilleure constitution possible dans le meilleur des mondes possibles. Notre position est la suivante : la crise de l’Europe est identitaire avant d’être institutionnelle ou économique. Sans frontière ni symbole, cette Europe n’est porteuse d’aucun projet de société autre que ceux du libre-échange et de la consommation.
Dès sa naissance en 1973, le magazine Éléments, comme le courant de pensée qu’il incarne depuis quarante ans, a été de tous les combats pour l’identité et la souveraineté de la civilisation européenne. Que pensez-vous des arguments des souverainistes qui dénoncent la construction européenne ?
Il s’agit souvent d’analyses fondées aux conclusions fausses, que nous avons toujours cherché à reprendre et à approfondir. Toutes les critiques que les souverainistes adressent à l’Union européenne pourraient aussi bien être adressées aux États-nations eux-mêmes : centralisme technocratique, effondrement du politique, soumission aux marchés financiers, atlantisme, haine de soi, universalisme, etc. L’impuissance de l’Europe n’est jamais que celle de ses nations.
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