Louis de France, les djihadistes du Levant
et les idéologues d’Occident
par Daniel-Ange
Nous sommes en 1250. Saint Louis, prisonnier, comparaît devant le sultan du Caire. Joinville est présent, témoin de ce dialogue sidérant :
« Quelle est la cause de votre tristesse ? »
« C’est que je n’ai point gagné ce que je désirais le plus gagner, la chose pour laquelle j’avais laissé mon doux royaume de France, et ma mère, chère encore, qui criait après moi, la chose pour laquelle je m’étais exposé aux périls de la mer et de la guerre.
« Et qu’est-ce donc, O Seigneur Roi, que vous désiriez si ardemment ? »
« C’est… ton âme ! Que le diable promet de précipiter dans le gouffre. Mais jamais, grâce à Jésus Christ, qui veut que toutes les âmes soient sauvées, il n’arrivera que satan puisse se glorifier d’une si belle proie. Le Très Haut le sait, lui qui n’ignore rien : si toute le monde visible était à moi, je le donnerai tout entier, en échange du salut des âmes.
« Eh quoi ! bon Roi, tel a été le but de ton pèlerinage si pénible ? Nous pensions tous, en Orient, que vous tous les chrétiens, aspiriez ardemment à notre soumission et vouliez triompher de nous par avidité de conquérir nos terre et non par désir de sauver nos âmes.
« J’en prends à témoin le Tout Puissant, je n’ai point souci de retourner jamais dans mon Royaume de France, pourvu que je gagne à Dieu ton âme, et les âmes des autres infidèles, et qu’elles puissent être glorifiées.
Voilà donc le mot-clé lâché. Ce que veut ce Roi missionnaire, en finale, c’est la Gloire du Ciel, la Gloire du Royaume éternel, la propre Gloire du Ressuscité, non seulement pour ce Sultan, mais pour touts les musulmans du monde.
Le sultan alors de rebondir sur ce mot et d’évoquer le ciel selon le Coran : « Nous espérons, en suivant la loi du très bénin Mahomet arriver à jouir des plus grands délices dans l’avenir. » (sous-entendu, des quantités de femmes)
Et le Roi de répliquer, droit dans le mille :
« Je ne puis assez m’étonner que vous, qui êtes des hommes discrets et circonspects (il discerne le meilleur en eux), vous ajoutiez foi à cet enchanteur Mahomet qui commande et promet tant de choses déshonnêtes ». Et se référant, non à l’Evangile, mais au simple bon sens humain, d’ajouter : « En effet, j’ai regardé et examiné son Alcoran et je n’y ai vu qu’ordures et impuretés, tandis que d’après les sages anciens, voire même les païens, l’honnêteté est le souverain bien dans cette vie ». Quel amour de la Vérité ! Quelle audace ! Quels risques encourus, puisque le sultan d’un seul geste peut le faire décapiter d’un seul coup de sabre.
Quel amour de la Vérité !
Sa passion : moins les tortures, la prison, le cuisant échec de Mansourah, mais ces personnes « à gagner au Christ ». Gagner ! En filigrane, Paul l’Apôtre des Nations : » Libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous, afin de gagner un grand nombre : gagner les Juifs, gagner les sujets de la loi, gagner les sans-loi. Faible avec les faibles, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous afin d’en sauver quelques uns, à tout prix. (1. Co 9,19-23)
Oui, à tout prix, au prix même de son exil, de sa liberté, de tout ce dont il s’est arraché, dans les larmes et les cris déchirants de sa mère, Blanche, le suppliant de rester en son Royaume. Au prix de tous les risques encourus par son Royaume laissé en une situation d’extrême fragilité face aux prédateurs qui le menacent. [1]
20 ans plus tard, aux portes de Tunis, comme aux portes de la mort, il récidive : « Dites de ma part au Sultan que je désire ardemment le salut de son âme ! Que je voudrais passer le reste de ma vie dans une prison sarrasine sans même voir la lumière du jour (il en avait fait l’expérience), pourvu que votre roi reçût le baptême avec son peuple, et en toute sincérité. »
Il caresse même le rêve d’être son parrain de baptême. Sur son lit de mort, in extremis : « Pour l’amour de Dieu, étudions comment la foi chrétienne pourra être prêchée à Tunis et qui seront les gens que l’on devrait envoyer prêcher [2] »
Son obsession : trouver par qui et de quelle manière l’Evangile pourra le mieux être transmis et donc reçu. Et de penser en priorité à ses chers frères prêcheurs. En tout cela, il est un vrai disciple du Povorello, cherchant à convaincre pacifiquement le sultan plutôt que de lui faire la guerre. Tel est son amour évangélique des ennemis.
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