Lech Walesa, héros et traître
Source : Nouvelles de France
Avec la publication en février des documents récupérés chez la veuve du général Kiszczak, ancien ministre de l’intérieur du général Jaruzelski, le fait que Lech Walesa ait été un délateur rémunéré au service du régime communiste entre 1970 et 1976 est désormais prouvé. Si la nouvelle a surpris à l’étranger, elle n’a fait que confirmer ce dont beaucoup de Polonais étaient déjà convaincus depuis longtemps.
Et notamment depuis que Lech Walesa président de la jeune IIIeRépublique polonaise qui avait succédé à la République populaire de Pologne, avait fait renverser en 1992 en pleine nuit, dans l’urgence, le gouvernement de Jan Olszewski qui s’apprêtait à publier les listes des agents et collaborateurs du « service de sécurité » (SB), la police politique communiste. Il avait pour cela bénéficié du soutien de plusieurs cadres de partis représentés à la Diète, la chambre basse du parlement polonais. Parmi eux, Donald Tusk, l’actuel président du Conseil européen, s’était montré particulièrement actif. Une autre source de soupçons des Polonais vis-à-vis de l’ancien leader de Solidarnosc, c’étaient les personnes dont il s’est entouré alors qu’il était président, et notamment le fait qu’un individu accusé d’être un ancien officier du SB soit devenu son plus proche conseiller. Maintenant que l’on sait que le général Kiszczak conservait des dossiers extrêmement compromettants pour Walesa, on s’explique mieux pourquoi le président Walesa a pris des décisions qui ont permis aux anciens apparatchiks de bien vivre dans la Pologne devenue démocratique, et surtout pourquoi ils n’ont jamais été condamnés pour les crimes commis sous l’ancien régime. Car ces dossiers détenus par les anciens dirigeants ne concernent certainement pas que Lech Walesa. Cette découverte vient en effet confirmer la thèse avancée pendant des années par la droite conservatrice aujourd’hui au pouvoir, selon laquelle l’absence de « lustration », c’est-à-dire de divulgation des dossiers détenus par l’ancienne police politique et de décommunisation des rouages du pouvoir, a miné la démocratie mise en place au terme des négociations de 1989 entre le régime communiste, lâché par l’URSS de Gorbatchev et au bord de la faillite, et les leaders de Solidarité que ce régime acculé s’était choisis pour interlocuteurs. Un choix opéré avec l’aide de Lech Walesa, allias T.W. Bolek. », c’est-à-dire « tajny współpracownik Bolek » (collaborateur secret Bolek).
La question qui se pose donc aujourd’hui n’est pas tant la collaboration rémunérée de Lech Walesa à l’époque des grèves et des répressions sanglantes de 1970-71 à Gdansk que les conséquences que cette collaboration ont eues par la suite, et notamment lors des grandes grèves de 1980, puis lors des négociations « de la table ronde » en 1989 entre opposition et régime pour le partage du pouvoir qui ont finalement débouché sur la transition démocratique, et enfin pendant la présidence de Lech Walesa de 1990 à 1995. Dès le début des années 1980, certaines grandes figures du mouvement Solidarnosc, comme Anna Walentynowicz, Andrzej Gwiazda et Krzysztof Wyszkowski, le soupçonnaient de jouer un double jeu. Lech Walesa s’est toujours efforcé d’éloigner ces figures historiques et de déprécier leur rôle pourtant essentiel dans ce grand mouvement qui bénéficiait d’un énorme soutien populaire (on a parlé de 10 millions d’adhérents sur une population totale d’à peine 40 millions !) et qui a beaucoup contribué à renverser les régimes socialistes d’Europe de l’Est. Il ne le faisait sans doute pas que par intérêt mais aussi par conviction. Les Polonais, qui l’entendent s’exprimer à la radio ou à la télévision ou qui lisent les citations tirées de son blog, savent à quel point l’ancien électricien de chantier naval Lech Walesa est devenu, au fil des ans, de plus en plus mégalomane et bouffon.
Soucieux de son image de celui qui aurait, presque à lui seul, renversé le communisme, le prix Nobel Lech Walesa, alias « T.W. Bolek , n’a jamais voulu reconnaître ses faiblesses passées. Il prétendait à sa femme avoir gagné au loto les sommes qu’il ramenait au domicile en plus de son salaire. Et dans les années 1990-2000, il poursuivait en justice tous ceux qui l’accusaient d’avoir été l’agent Bolek. Et il était impitoyable, comme par exemple avec Krzysztof Wyszkowski auquel il réclamait de gros dommages-intérêts y compris quand celui-ci souffrait d’un cancer et vivait bien plus modestement que le carriériste Walesa. Walesa-Bolek n’a finalement lâché sa prise que quand Wyszkowski a obtenu que vienne déposer comme témoin un des anciens agents du SB responsable de recueillir les délations du futur leader de Solidarnosc. Car en 2010, un tribunal avait imposé à Wyszkowski de publier des excuses pour avoir affirmé que Walesa était bien l’agent Bolek. Et comme Wyszkowski refusait de s’exécuter, c’est Walesa lui-même qui a fait publier les excuses de Wyszkowski à la télévision avant de se retourner contre son ancien collègue de Solidarnosc pour obtenir le remboursement du spot télévisé. C’est seulement en 2013, après 8 ans de procédures judiciaires contre Wyszkowski, que Walesa-Bolek a abandonné.
Peu avant la saisie des documents du général Kiszczak, Lech Walesa avait renoncé à un débat à l’Institut de la mémoire nationale (IPN) prévu pour le 16 mars.
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