Aux racines de l’obsession de l’Etat islamique pour Rome (ouh ouh, les Chrétiens, vous nous avez bien vus ?)
Dans une vidéo de propagande récemment publiée, l'Etat Islamique met en scène des enfants soldats qui annoncent leur intention de mettre Rome à sac et d'y réduire les femmes en esclavage. Ce n'est pas la première fois que l'organisation terroriste considère Rome comme la capitale de la civilisation judéo-chrétienne.
Atlantico : Dans une vidéo de propagande publiée très récemment, l'Etat Islamique met en scène des enfant soldats qui font le serment de se rendre à Rome et, notamment, de réduire ses femmes en esclavage. A travers cette mise en scène, qu'est-ce que l'Etat Islamique chercher à démontrer ? En quoi le choix spécifique de Rome est il une attaque directe contre le cœur de la chrétienté ?
Alain Rodier (1): C'est la deuxième fois que Daech fait référence à "Rome" comme étant un objectif du djihad. La première fois, cela avait eu lieu en Libye lors de l'assassinat de travailleurs chrétiens éthiopiens au début de cette année. Cette rhétorique ne vise pas la capitale italienne en elle-même, mais le symbole qu'elle représente comme étant le berceau de la civilisation judéo-chrétienne. A savoir que si les ennemis prioritaires des "érudits" de Daech sont d'abord les "apostats" (c'est-à-dire les chiites) et les gouvernants des pays sunnites considérés comme des traîtres, ils sont suivis immédiatement par les judéo-chrétiens.
Il faut reconnaître que leur lecture littérale des textes sacrés (le Coran, les Hadiths et la biographie de Mahomet) est particulière. Ils n'en retiennent que la partie guerrière pour en oublier toute miséricorde. Cela dit, ce n'est qu'une question d'interprétation et seuls les érudits musulmans peuvent trancher dans les interprétations faites des textes et définir les "déviants". L'Université al-Azhar a commencé un gros travail sur ce sujet mais il serait imprudent d'anticiper sur la suite de ces recherches idéologico-religieuses. Il faut se rappeler que dans le monde sunnite, il n'y a pas de clergé (à la différence des chiites) et donc, pas vraiment d'autorité humaine qui puisse être reconnue par les croyants.
Ce n'est pas la première fois que l'EI fait référence à des symboles de la chrétienté, nous dirigeons-nous de plus en plus vers une logique de croisade ?
La croisade, c'est dans le sens inverse. C'est lorsque les chrétiens allaient "libérer" les lieux saints, en particulier Jérusalem. A noter que les croisades -tout à fait condamnables- ont été ordonnées par des hommes (rois ou papes) et non par des textes sacrés alors que le djihad est un "devoir" prescrit par "Dieu" via le Coran. Et le djihad a pour but d'établir le califat sur l'ensemble de la planète.
Pour Daech, cela doit se passer en plusieurs étapes. La première qui consistait à instaurer un noyau dur à partir duquel pourrait être lancée la guerre sainte est chose faite sur une partie de la Syrie et de l'Irak. La deuxième phase devrait "libérer" les terres musulmanes des régimes "apostats" et "impies" qui y règnent. Damas et Bagdad sont les objectifs proches suivis d'Amman, Beyrouth, le Caire, Tripoli, voire, dans les rêves les plus fous d'Al-Baghdadi, de Téhéran, d'Islamabad, d'Ankara. Enfin, il convient à terme de s'attaquer à l' "ennemi lointain", et en particulier au monde judéo-chrétien représenté en premier lieu par l'Europe Occidentale et orientale. La Russie n'est effectivement pas oubliée comme cible par la choura (le conseil consultatif, l'organe de commandement de Daech). L'EI parle peu de l'Extrême-orient même si des adeptes importants y sont présents, particulièrement en Indonésie.
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(1) Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée. Il est l’auteur en 2015 de " Grand angle sur le terrorisme" aux éditions UPPR (uniquement en version électronique), en 2013 "le crime organisé du Canada à la Terre de feu", en 2012 "les triades, la menace occultée", ces deux ouvrages parus aux éditions du Rocher, en 2007 de "Iran : la prochaine guerre ?" et en 2006 de "Al-Qaida. Les connexions mondiales du terrorisme" aux éditions ellipse, Il a également participé à la rédaction de nombreux ouvrages collectifs dont le dernier "la face cachée des révolutions arabes" est paru chez ellipses en 2012. Il collabore depuis plus de dix ans à la revue RAIDS.
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