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lunes, 10 de octubre de 2016

Au cours des vingt dernières années, des monuments aux Dix commandements ont été enlevés...


Les dix commandements et la loi naturelle

par Howard Kainz



Au cours des vingt dernières années, des monuments aux Dix commandements ont été enlevés, souvent sur décision de justice (et souvent malgré des protestations) de Capitoles, de parcs et même d’écoles publiques de plusieurs Etats (Oklahoma, Texas, Nouveau Mexique, Utah, Alabama, Ohio, Mississipi, Maryland et Kentucky).

Ces initiatives, violemment débattues dans les journaux et d’autres médias, répondent en général à des demandes émanant d’athées, de partisans de la laïcité, d’ardents défenseurs de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et même de Wiccans [adeptes d’une doctrine ésotérique comprenant même le culte d’Hécate]. Selon eux, nul ne devrait être confronté à des symboles religieux spécifiques dans des lieux publics, surtout des bâtiments gouvernementaux. Heureusement, ces protestations ne sont pas allées aussi loin aux Etats-Unis qu’en Arabie Saoudite, en Iran et dans d’autres pays musulmans où même l’image d’une croix, d’un saint chrétien ou d’une Bible est interdite en public – sans parler d’une église ou d’une synagogue qualifiées d’éléments de trouble à l’ordre public.

Les Dix commandements sont trop « religieux » ? Je me demande en quoi le précepte « Tu ne voleras pas » est spécifiquement religieux ? Quelle culture, même païenne, n’exige pas et ne met pas en pratique le respect des parents et des anciens ? En quoi le commandement « Tu ne tueras pas » est-il religieux ? Le meurtre ne pose donc aucun problème aux gens sans religion ?

Des questions du même ordre se posent à propos du mensonge, de l’adultère, de la convoitise de l’épouse ou du bien d’autrui. A la plupart des époques et dans la plupart des pays du monde ces délits ont fait l’objet d’interdictions. Platon, Aristote et d’autres philosophes païens avaient adopté ces valeurs morales fondamentales. Selon Aristote, l’adultère, le vol et le meurtre sont toujours condamnables, en toutes circonstances. Dans les dialogues de Platon, Le Banquet et L’Eryxias, les interlocuteurs conviennent simplement que l’adultère est un exemple d’action de toute évidence mauvaise et se mettent ensuite à analyser des questions morales moins évidentes.

Si les tribunaux de la plupart des pays récusaient les Dix Commandements, comment pourraient-ils logiquement condamner l’extorsion, les homicides, le parjure, le viol etc. ? Je vous l’accorde, l’adultère n’est plus pris autant au sérieux qu’auparavant, mais constitue encore dans vingt et un Etats d’Amérique une infraction passible d’amendes, voire de peines de prison. Ainsi, un suspect accusé d’adultère dans l’un des Etats qui ont supprimé les Dix commandements pourrait avoir des bases légales pour que les charges soient abandonnées, à cause de la non-pertinence de l’un des commandements.

En d’autres termes, les sept derniers commandements (les protestants les numérotent autrement que les catholiques) sont précisément des lois dont Saint Paul dit dans l’ Epître aux Romains (2,14-15) qu’elles sont écrites « dans les cœurs » de tous les hommes, pas le genre de règles de droit positif qui ne concerneraient que les juifs ou les chrétiens ou toute autre religion en particulier.

Ce n’est pas par hasard que ces sept commandements coïncident avec les trois grands « préceptes » que Saint Thomas d’Aquin développe dans son étude de la loi naturelle :

1) L’inclination naturelle à la conservation de son être que nous étendons à autrui en tant que droit à l’autoconservation coïncide avec les commandements concernant le vol, le meurtre ou la convoitise des biens d’autrui.

2) Le devoir de propager l’espèce et d’éduquer ses enfants s’étend à autrui en tant que droit de procréer, et se trouve énoncé en toutes lettres dans les commandements prescrivant aux enfants d’honorer leurs parents et aux parents d’éviter l’adultère, voire de convoiter l’épouse d’autrui.

3) Le devoir de toujours rechercher la vérité que nous étendons à autrui en évitant le mensonge est inclus dans le commandement prescrivant de ne pas « porter de faux témoignages ».

Mais, bien sûr, le problème pour les athées, les Wiccans, les membres de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) et les autres, est que Dieu est mentionné dans le Premier Commandement, et est sous-entendu dans les second et troisième. Comment pourrions-nous atténuer cette menace pesant sur la sensibilité des groupes qui nous sont opposés ? Nous pourrions tronquer le Décalogue et ne conserver que les sept derniers commandements. Si nous en usions ainsi, existe-t-il des chevaliers de l’amoralité que révolteraient ces injonctions morales fondamentales ? Sommes-nous réellement entourés d’immoralistes nietzchéens qui maintiendraient mordicus que nous avons, nous les modernes, fièrement progressé « par-delà bien et mal » une fois pour toutes ?

Mais la Weltanschauung s’oppose à ces extrêmes. Même les autorités les plus sécularisées nous préviennent de ne pas idolâtrer la célébrité, la richesse, la beauté, le pouvoir, le plaisir – bien qu’elles nous mettent en garde en réalité contre les « addictions » aux drogues, au sexe, à la popularité, à l’autoritarisme etc.

Et n’avons-nous pas l’équivalent laïc du sabbat ? Le football ou le baseball junior du dimanche matin, les promenades dans le parc, les petits déjeuners ou lunchs du dimanche au restaurant, etc.

Le troisième précepte de saint Thomas qui énonce le devoir de toujours rechercher la vérité sur Dieu s’applique certainement à tout être rationnel (les athées et les laïcards aussi, s’ils prétendent à la rationalité, ont l’obligation de rechercher la vérité, même s’ils concluent qu’ils n’ont pas trouvé la vérité de l’existence de Dieu).

Un problème supplémentaire se pose – un problème inhérent à la discipline de la « méta-éthique » concernant la source de l’obligation d’une loi morale : si Dieu n’est pas l’ultime émanation de la loi, comment une règle morale quelconque peut-elle être obligatoire ? Sur quelle autorité se fonderaient les sanctions d’une désobéissance à une grande loi morale ?

Si, par exemple, l’Etat est considéré comme l’ultime arbitre du bien et du mal, il dispose de divers types de peines dans son arsenal pour renforcer le pouvoir de la loi. L’éventualité de l’ostracisme social peut aussi remplacer l’Etat. Mais ni l’Etat ni les pressions sociales ne peuvent rendre un acte quelconque intrinsèquement mauvais. Même ceux qui ne croient pas en Dieu devraient espérer que ceux qui envisagent de les tuer ou de les voler pourraient hésiter à cause de leur croyance en Dieu (surtout un Dieu d’amour qui ne hait pas les non-croyants).

Si nous rejetons les Dix Commandements, les organes d’application de la loi et les tribunaux devraient, au nom de la logique, ne pas tenir compte également de règles de vie largement proclamées mais purement conventionnelles – touchant par exemple les dégâts à l’environnement, le refus du recyclage, l’interdiction des toilettes aux membres des communautés gaies et transsexuelles, les récriminations contre le terrorisme islamiste, la conduite trop lente dans la voie réservée aux véhicules rapides, les relations sexuelles sans consentement préalable, le refus de se lever au moment de l’hymne national, l’absence de désir d’accueillir des migrants illégaux etc.

S’ils sont conséquents, les athées, les partisans de la laïcité et les Wiccans ont une grande tâche à accomplir dans l’hypothèse où ils voudraient interdire les fondements moraux de la loi ; et les futurs étudiants en droit pourraient se demander comment justifier l’application des préceptes ne relevant pas du Décalogue.

Source : https://www.thecatholicthing.org/20...

Howard Kainz est professeur émérite de philosophie de Marquette University. Parmi ses dernières publications on peut citer Natural Law : an Introduction and Reexamination (2004), Five Metaphysical Paradoxes (The 2006 Marquette Aquinas Lecture), The Philosophy of Human Nature (2008) et The Existence of God and the Faith-Instinct (2010)

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