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jueves, 25 de noviembre de 2021

Alain Michel: Eric Zemmour n’est pas historien, mais il connaît énormément de choses ...


Alain Michel: “Vichy désirait protéger tous les Français, dont les juifs”

Propos recueillis par Stéphane Amar à Jérusalem
Historien de la Shoah et rabbin du mouvement Conservative, Alain Michel a publié en 2012 Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français (Editions CLD), une étude qui ébranle toutes nos certitudes sur l’attitude du régime envers les Juifs et qui a nourri la réflexion de Zemmour sur Vichy et les polémiques qui s’en sont suivies.

Causeur. Zemmour s’appuie essentiellement sur vos travaux pour affirmer que Pétain a sauvé les Juifs français durant la Shoah, en sacrifiant les Juifs étrangers. Dans le passage le plus polémique du Suicide français, il cite votre livre Vichy et la Shoah : enquête sur le paradoxe français. Comment avez-vous accueilli cette médiatisation ?

Alain Michel. Je dois effectivement à Éric Zemmour la médiatisation de mon livre. Lorsqu’il a été publié en 2012, tous les médias situés à gauche du Figaro l’ont frappé d’une sorte d’omerta. À l’époque, Éric Zemmour avait demandé à me rencontrer et avait prédit mon livre subirait le même silence médiatique que l’ouvrage, remarquable, de Simon Epstein, Le Paradoxe français. Epstein y montre l’implication de la gauche pacifiste dans la collaboration et de l’extrême droite maurassienne dans la Résistance. La presse s’étant focalisée sur le chapitre consacré à Vichy dans le Suicide français, je me retrouve lié au sort d’Éric Zemmour et je savais que le sujet reviendrait dès lors qu’il entrait dans la course à la présidentielle.

La seule erreur de Zemmour, c’est quand il dit “Pétain a sauvé les juifs de France”, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet…”

Vous ne vous sentez donc pas trahi par l’utilisation faite par Zemmour de vos recherches ?

Non et je m’étonne qu’aucun média, en dehors de Causeur, ne m’ait sollicité pour vérifier les dires de Zemmour. Ils n’interrogent que les historiens de la doxa, c’est-à-dire ceux qui partagent les thèses de Robert Paxton et de Serge Klarsfeld, jamais des historiens comme moi-même ou comme Jean-Marc Berlière, le spécialiste de la police de Vichy, ou encore mon directeur de thèse, Antoine Prost, pourtant l’un des plus grands historiens de la France contemporaine. Ce dernier a beau être idéologiquement opposé à Éric Zemmour, il estime qu’il faut regarder les choses dans leur complexité concernant Vichy.

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Mais Zemmour n’est pas historien…

Il n’est pas historien, mais il connaît énormément de choses sur cette période. Sa seule erreur tient dans sa présentation du sujet. Quand il dit : « Pétain a sauvé les Juifs de France, c’est inexact. Ce n’est pas Pétain, c’est Laval, aidé par Bousquet. Cela a d’ailleurs été écrit dès le début des années 1950 par Léon Poliakov dans le Bréviaire de la haine. Raul Hilberg dira la même chose jusqu’au bout, y compris dans la dernière réédition de La Destruction des Juifs d’Europe, en 2006. Pour eux, le gouvernement de Vichy a fait le choix de protéger les citoyens français en livrant des Juifs étrangers. Plusieurs historiens soutiennent cette thèse, mais à partir des années 1980 elle devient taboue.

Il faut reconnaître que votre thèse est particulièrement déroutante. Vous soutenez par exemple que Laval n’était pas antisémite…

Même si Laval était xénophobe (c’était très à la mode à l’époque en France), il n’avait pas d’intentions criminelles, ni par rapport aux Juifs étrangers ni par rapport aux étrangers non-juifs. Le gouvernement de Vichy voulait avant tout se débarrasser des étrangers, dont les Juifs, qu’il considérait comme un poids pour l’économie nationale. Mais se débarrasser des étrangers dans le langage des gens de Vichy – je ne parle pas des extrémistes de la collaboration qui vinrent au pouvoir début 1944 –, c’était les faire partir. Ce n’était absolument pas les assassiner. Alors que pour les nazis, à partir du printemps 1942, il s’agit de se débarrasser physiquement des Juifs.

L’Historien Alain Michel. D.R.

Il n’empêche qu’à peine arrivé aux affaires, le gouvernement de Vichy prend des mesures clairement antisémites.

Dans le premier statut des Juifs, d’octobre 1940, il n’est pas question de toucher aux biens des Juifs. C’est très différent de la zone nord où l’une des premières mesures prises par les Allemands vise à spolier les Juifs. Le régime est antisémite, bien sûr, mais contrairement à ce qu’on affirme aujourd’hui, l’antisémitisme n’est pas au cœur de sa réflexion. Ce qui le caractérise avant tout, c’est la xénophobie. Cela dit, au fil du temps les persécutions antijuives s’aggravent. Mais il n’existe pas de volonté ni en 1940, ni en 1941, ni en 1942 de nuire physiquement aux Juifs. Les déportations ne sont jamais de l’initiative de Vichy à partir de 1942 et, par la suite, Laval et Bousquet essaient de ralentir les choses. Quand ils n’ont pas le choix, ils livrent des Juifs étrangers. Les seuls Juifs français pas vraiment protégés sont les enfants français des Juifs étrangers car arrêtés avec leurs parents, comme lors de la rafle du Vél d’Hiv.

Mais justement, on sait que Pétain a durci le brouillon du statut des Juifs qui lui a été soumis et on a même la copie annotée de sa main au crayon rouge. Pourquoi l’avait-il fait s’il voulait protéger « ses Juifs » ?

Il s’agit du projet de loi qui a été rédigé dans la journée, sans doute par le ministre de la Justice, Raphaël Alibert, ou peut-être par le ministre de l’Intérieur, Marcel Peyrouton (les

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