La droite plombée par sa névrose
Sens Commun
Laurent Wauquiez a rappelé à l'ordre Sens Commun, jeune courant au sein de LR issu de la Manif pour tous. Très influent depuis lors notamment pendant la campagne présidentielle, il est le symbole d'une droite qui n'en finit plus de se chercher.
Sur quelle base sociale pourrait aujourd'hui se construire un mouvement de droite libéral et conservateur ?
Jean-Thomas Lesueur *: Je vous répondrais d’abord en développant le second point que j’ai souligné plus haut : l’esprit chimérique et la paresse intellectuelle. Certains me trouveront sévère mais je pense que les acteurs du « réveil conservateur » dont j’ai parlé, se sont un peu enivrés de certaines de leurs démonstrations de force dans la rue et de certaines conquêtes intellectuelles ou médiatiques. Nombre d’acteurs de la mouvance conservatrice se sont auto-convaincus à partir de 2012 ou 2013 qu’il existait une « majorité conservatrice » dans le pays, que la France était « à droite », que la France périphérique, oubliée, silencieuse qu’ils prétendaient incarner, était majoritaire… C’est une chimère.
Les conservateurs en France sont une minorité, une grosse minorité peut-être, mais une minorité.
Second élément du diagnostic : la paresse intellectuelle. J’entends par là que, convaincus que leur sensibilité était majoritaire, ces responsables ont cru qu’il suffisait de sautiller en répétant les mots « droite, droite, droite » pour attirer les électeurs à eux. Mais la grande masse des électeurs, au-delà des cercles mobilisés et convaincus, s’en fichent pas mal ! Regardez certains candidats à la présidence des Républicains qui n’ont que le mot « droite » à la bouche et ne parlent que de « l’avenir de la droite » ! Mais les Français n’ont que faire de l’avenir de la droite, c’est de l’avenir de la France (et du leur) qu’ils souhaitent qu’on leur parle…
Alors, pour répondre à votre question, je pense qu’un mouvement conservateur n’a quelque chance de ré-émerger que s’il parle aux Français des sujets qui les préoccupent et leur apporte des solutions qui leur parlent. Autrement dit, ce mouvement devra faire du conservatisme comme monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le dire. Sur l’éducation, l’identité, la culture, le travail, les territoires, une certaine écologie, la technologisation du monde et du vivant, il a assurément des ressources, des vues, des propositions à faire valoir qui répondent pour partie aux aspirations de l’époque. Qu’il y travaille sérieusement, qu’il les rende audibles pour le plus grand nombre et fortes non pas parce qu’elles sont conservatrices mais parce qu’elles sont bonne pour le pays, et les Français lui donneront peut-être sa chance…
La spécificité d'un groupe comme Sens Commun (ou le PCD de Jean-Frédéric Poisson), qui alimente officieusement les critiques au sein de l'appareil LR sont ces fondations catholiques. Quels sont les lignes d'achoppement entre un mouvement de droite qui revendique de suivre la doctrine sociale de l'Eglise et un parti qui cherche son identité comme c'est le cas actuellement des Républicains ?
François Huguenin : Un mouvement qui revendique la DSE doit être à la fois conservateur sur les questions éthiques, familiales, éducatives, et par rapport à l’amour du pays. Mais également social sur les questions économiques, la réalité de la pauvreté. Mais aussi soucieux de la liberté religieuse et politique, dans une période troublée où certains s’assoient volontiers sur notre état de droit (l’Eglise combat pour les droits et la liberté partout dans le monde). Une attitude chrétienne ne peut se laisser enfermer ni dans l’absolu du libéralisme, ni dans celui du socialisme, mais pas non plus dans celui d’un conservatisme. Les chrétiens en politique doivent plaider à temps et à contre-temps pour la protection des plus faibles : les plus pauvres que les nécessaires réformes ne doivent pas laisser sur le carreau mais accompagner plus que les autres ; les personnes en fin de vie qui doivent être protégées de l’idéologie de l’euthanasie ou les femmes fragilisées qui ne doivent pas être les victimes de la marchandisation du désir d’enfant ; les migrants qui, en dépit de la légitimité de l’autonomie de décision des Etats en la question, ne peuvent être traités en bouc-émissaires et doivent être respectés dans leurs dignité. En fait la pierre d’achoppement est là : normalement, les chrétiens sont là pour éveiller les consciences que les appareils et les stratégies personnelles préfèrent voir endormies. Une voix chrétienne me paraît difficilement compatible avec des postures idéologiques ou partisanes. Ceux qui se lancent en politique doivent en être conscients.
Laurent Wauquiez a rappelé à l'ordre Sens Commun, jeune courant au sein de LR issu de la Manif pour tous. Très influent depuis lors notamment pendant la campagne présidentielle, il est le symbole d'une droite qui n'en finit plus de se chercher.
Sur quelle base sociale pourrait aujourd'hui se construire un mouvement de droite libéral et conservateur ?
Jean-Thomas Lesueur *: Je vous répondrais d’abord en développant le second point que j’ai souligné plus haut : l’esprit chimérique et la paresse intellectuelle. Certains me trouveront sévère mais je pense que les acteurs du « réveil conservateur » dont j’ai parlé, se sont un peu enivrés de certaines de leurs démonstrations de force dans la rue et de certaines conquêtes intellectuelles ou médiatiques. Nombre d’acteurs de la mouvance conservatrice se sont auto-convaincus à partir de 2012 ou 2013 qu’il existait une « majorité conservatrice » dans le pays, que la France était « à droite », que la France périphérique, oubliée, silencieuse qu’ils prétendaient incarner, était majoritaire… C’est une chimère.
Les conservateurs en France sont une minorité, une grosse minorité peut-être, mais une minorité.
Second élément du diagnostic : la paresse intellectuelle. J’entends par là que, convaincus que leur sensibilité était majoritaire, ces responsables ont cru qu’il suffisait de sautiller en répétant les mots « droite, droite, droite » pour attirer les électeurs à eux. Mais la grande masse des électeurs, au-delà des cercles mobilisés et convaincus, s’en fichent pas mal ! Regardez certains candidats à la présidence des Républicains qui n’ont que le mot « droite » à la bouche et ne parlent que de « l’avenir de la droite » ! Mais les Français n’ont que faire de l’avenir de la droite, c’est de l’avenir de la France (et du leur) qu’ils souhaitent qu’on leur parle…
Alors, pour répondre à votre question, je pense qu’un mouvement conservateur n’a quelque chance de ré-émerger que s’il parle aux Français des sujets qui les préoccupent et leur apporte des solutions qui leur parlent. Autrement dit, ce mouvement devra faire du conservatisme comme monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le dire. Sur l’éducation, l’identité, la culture, le travail, les territoires, une certaine écologie, la technologisation du monde et du vivant, il a assurément des ressources, des vues, des propositions à faire valoir qui répondent pour partie aux aspirations de l’époque. Qu’il y travaille sérieusement, qu’il les rende audibles pour le plus grand nombre et fortes non pas parce qu’elles sont conservatrices mais parce qu’elles sont bonne pour le pays, et les Français lui donneront peut-être sa chance…
La spécificité d'un groupe comme Sens Commun (ou le PCD de Jean-Frédéric Poisson), qui alimente officieusement les critiques au sein de l'appareil LR sont ces fondations catholiques. Quels sont les lignes d'achoppement entre un mouvement de droite qui revendique de suivre la doctrine sociale de l'Eglise et un parti qui cherche son identité comme c'est le cas actuellement des Républicains ?
François Huguenin : Un mouvement qui revendique la DSE doit être à la fois conservateur sur les questions éthiques, familiales, éducatives, et par rapport à l’amour du pays. Mais également social sur les questions économiques, la réalité de la pauvreté. Mais aussi soucieux de la liberté religieuse et politique, dans une période troublée où certains s’assoient volontiers sur notre état de droit (l’Eglise combat pour les droits et la liberté partout dans le monde). Une attitude chrétienne ne peut se laisser enfermer ni dans l’absolu du libéralisme, ni dans celui du socialisme, mais pas non plus dans celui d’un conservatisme. Les chrétiens en politique doivent plaider à temps et à contre-temps pour la protection des plus faibles : les plus pauvres que les nécessaires réformes ne doivent pas laisser sur le carreau mais accompagner plus que les autres ; les personnes en fin de vie qui doivent être protégées de l’idéologie de l’euthanasie ou les femmes fragilisées qui ne doivent pas être les victimes de la marchandisation du désir d’enfant ; les migrants qui, en dépit de la légitimité de l’autonomie de décision des Etats en la question, ne peuvent être traités en bouc-émissaires et doivent être respectés dans leurs dignité. En fait la pierre d’achoppement est là : normalement, les chrétiens sont là pour éveiller les consciences que les appareils et les stratégies personnelles préfèrent voir endormies. Une voix chrétienne me paraît difficilement compatible avec des postures idéologiques ou partisanes. Ceux qui se lancent en politique doivent en être conscients.
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* Jean-Thomas Lesueur - Titulaire d'un DEA d'histoire moderne (Paris IV Sorbonne), où il a travaillé sur l'émergence de la diplomatie en Europe occidentale à l'époque moderne, Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More.
* Jean-Thomas Lesueur - Titulaire d'un DEA d'histoire moderne (Paris IV Sorbonne), où il a travaillé sur l'émergence de la diplomatie en Europe occidentale à l'époque moderne, Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More.
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