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lunes, 6 de septiembre de 2021

UE: l’attitude des États-Unis a révélé qu’il ne peut y avoir de confiance totale dans les forces militaires étrangères

L’Europe créera-t-elle sa propre force militaire après son expérience en Afghanistan ?

Lucas Leiroz (Infobrics, traduction breizh-info.com)

La crise en Afghanistan est maintenant utilisée comme une justification pour démarrer un processus d’unification de la militarisation en Europe. Le gouvernement allemand a lancé un appel à l’UE pour que l’expérience en Asie centrale serve de leçon au bloc pour mettre en œuvre des mesures visant à créer sa propre force militaire, afin de pouvoir répondre rapidement et efficacement à des situations de crise comme celle que nous vivons actuellement.

L’UE craint non seulement l’avancée du terrorisme sur le territoire afghan, mais aussi son expansion sur le continent européen en raison du flux migratoire. Toutefois, à l’heure actuelle, la principale préoccupation du bloc est de savoir comment procéder aux évacuations d’urgence, en garantissant la sécurité et l’intégrité physique des citoyens européens à l’étranger lors d’événements similaires à la prise de Kaboul par les talibans.

En effet, les efforts de l’Europe pour renforcer sa sécurité par le biais d’une coalition militaire ne sont pas récents. En 2007, un système de groupements tactiques de 1 500 soldats a été créé pour lancer les activités militaires du bloc. Toutefois, le projet est resté au point mort et les troupes n’ont jamais été mobilisées pour des formations ou des activités de combat pertinentes, principalement en raison d’impasses bureaucratiques, de différends sur le financement et de divers autres désaccords entre les pays membres de l’UE. Il y a quelques années, le président français Emmanuel Macron avait également proposé la création d’une armée européenne, mais le débat a été rapidement oublié.

La confiance en la compétence de Washington pour assurer la sécurité du continent européen a poussé l’UE à abandonner ses efforts militaires et à agir avec négligence sur cette question pendant de nombreuses années. Mais les événements actuels ont ramené cette question dans le débat, car l’attitude des États-Unis a révélé qu’il ne peut y avoir de confiance totale dans les forces militaires étrangères. L’évacuation brutale des forces armées américaines a montré comment, dans les situations d’urgence, une puissance militaire étrangère donne la priorité à ses propres intérêts – c’est pourquoi les Européens ne peuvent pas compter entièrement sur la volonté des États-Unis de coopérer avec l’UE. Actuellement, plusieurs citoyens européens se trouvent sur le sol afghan, exposés à divers dangers. Pour garantir la sécurité des diplomates, des hommes d’affaires et des travailleurs des ONG, les pays européens ont dû signer des accords avec les talibans – ce qui ne serait pas nécessaire s’il existait des forces militaires suffisamment puissantes pour évacuer les citoyens.

À cet égard, la ministre allemande de la défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, a lancé jeudi un appel public à l’UE pour qu’elle forme une « coalition de volontaires » pour agir dans les situations où les membres du bloc décident ensemble de la nécessité d’une intervention. Voici ses mots : « Les capacités militaires des pays membres de l’UE existent (…) La question clé pour l’avenir de la police européenne de sécurité et de défense est de savoir comment nous utilisons finalement nos capacités militaires ensemble (…) Dans l’UE, des coalitions de volontaires pourraient agir après une décision commune de tous ».

Ce n’est pas un hasard si ces mots viennent d’un officiel allemand. Ces derniers temps, Berlin a beaucoup travaillé à la mise en place d’une force de défense plus puissante. Ses conflits d’intérêts avec les États-Unis ces dernières années – notamment en ce qui concerne le Nord Stream 2 – ont montré clairement qu’il ne peut y avoir de dépendance totale vis-à-vis des alliances avec des puissances étrangères. Cependant, l’Allemagne reste encore extrêmement faible sur la question militaire – bien qu’elle soit plus forte que la plupart des États européens -, ce qui conduit aujourd’hui le pays à chercher à consolider des alliances plus fortes au niveau régional.

Cette proposition a tendance à plaire aux gouvernements des petits États européens. Dans le même ordre d’idées, la déclaration de Karrenbauer est extrêmement cohérente avec la quête de Macron pour une « autonomie stratégique » européenne, ce qui pourrait conduire à des dialogues bilatéraux Paris-Berlin dans un avenir proche. Macron a suggéré à plusieurs reprises d’augmenter la capacité militaire européenne dans le passé, précisément parce que la France a son propre « Afghanistan » au Mali et au Maghreb. La situation de la présence française en Afrique se complique progressivement et il est très probable que bientôt il y aura un besoin d’évacuation d’urgence des citoyens français dans plusieurs pays africains. La France est assez forte pour gérer seule ce genre de situation, mais il serait évidemment intéressant de pouvoir compter sur le soutien de troupes d’autres Etats européens, c’est pourquoi une coalition semble très stratégique pour Paris.

En fait, toute forme d’amélioration de la souveraineté est positive, tant pour les États nationaux que pour les blocs régionaux. L’Europe doit vraiment apprendre à gérer les situations dans lesquelles les États-Unis et l’OTAN ne peuvent ou ne veulent pas être impliqués. Malgré la proximité idéologique, les États-Unis et l’UE ont plusieurs désaccords stratégiques dont il faut tenir compte, alors que, d’autre part, les différences entre les États européens sont moins pertinentes, ce qui rend plus avantageux l’investissement dans des alliances au niveau régional.

Ce qu’il faut éviter, cependant, c’est que ce type de force militaire devienne une simple branche de l’OTAN. Si l’Europe consolide réellement ce projet, Washington tentera d’utiliser une telle alliance pour ses propres intérêts, en affectant les troupes de la coalition aux programmes militaires de l’OTAN visant à affronter et à provoquer les rivaux géopolitiques des États-Unis. Ce serait le pire des scénarios pour toutes les parties et il faut l’empêcher par tous les moyens possibles.

Source: breizh-info.com


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