Quand la moitié de l'Europe vivait sous le joug communiste
par GIRARD Renaud
Quand la moitié de l'Europe vivait sous le joug communiste
On croit souvent que le partage, après la deuxième guerre mondiale, de l’Europe en deux zones d’influence, l’une anglo-saxonne, l’autre soviétique, s’est faite à la Conférence de Yalta de février 1945. En réalité, ce sommet en Crimée entre STALINE, ROOSEVELT et CHURCHILL – où DE GAULLE ne parvint pas à se faire inviter - n’a fait qu’entériner un partage déjà ébauché par CHURCHILL et STALINE le 9 octobre 1944, à Moscou. Ce jour-là, commence une conférence interalliée où il s’agit de forcer le gouvernement polonais en exil à Londres, détenteur d’une vraie légitimité populaire, à constituer un "front commun" avec un "Comité de Lublin" communiste, forgé de toutes pièces par le "libérateur" soviétique. Une semaine plus tôt, l’insurrection de Varsovie a été écrasée dans le sang par les troupes hitlériennes, qui déportent toute la population et dynamitent tout le centre de la capitale, maison par maison, alors que les forces russes, déjà parvenues sur la rive droite de la Vistule, ont l’ordre de ne pas bouger.
L’obsession de STALINE, traditionnelle dans la politique russe, est de se constituer un glacis territorial et politique vers l’ouest, d’où sont venues, en trois siècles, quatre invasions (la polono-lituanienne, la suédoise, la française, l’allemande). Fidèle à lui-même, CHURCHILL est obsédé par les Balkans. Il n’a pas réussi à convaincre ROOSEVELT d’y débarquer (afin d’y limiter la progression soviétique) et il a très peur que la Grèce (où se déploie une puissante résistance communiste) puisse tomber dans l’orbite de Moscou. La Grèce, c’est la Méditerranée et il compte bien la maintenir comme un grand lac britannique, de Gibraltar à Alexandrie. Alors CHURCHILL fait un deal avec STALINE, qu’il griffonne sur un bout de papier, qui a été conservé. Les deux leaders s’attribuent des taux d’influence respectifs sur les pays en passe d’être libérés des nazis. CHURCHILL obtient un taux de 90 % pour la Grèce, mais concède un taux d’influence de 90 % à la "Russie" sur la Roumanie, pays où la résistance communiste est pourtant insignifiante. Pour la Bulgarie, ce taux descend à 75 %. La Hongrie et la Yougoslavie se voient attribuer un partage à 50/50.
A Yalta, les Soviétiques sont en position de force. Ils obtiennent que le Comité de Lublin forme l’ossature du futur gouvernement de la Pologne. Pour ROOSEVELT, la priorité est de finir la guerre avec le minimum de pertes en vies américaines. Le président des Etats-Unis accepte de laisser l’armée Rouge fournir l’effort de guerre le plus lourd, quitte à lui abandonner une plus vaste zone d’occupation. Il affiche une naïveté confondante à l’égard de STALINE, qu’il qualifie aimablement d’Uncle Joe. "Si je lui donne tout ce qu’il me sera possible de donner sans rien réclamer en échange, noblesse oblige, il ne tentera pas d’annexer quoi que ce soit et travaillera à bâtir un monde de démocratie et de paix", expliquera ROOSEVELT à CHURCHILL. Les accords de Yalta prévoient des élections libres dans tous les Etats européens libérés et, en attendant, la constitution de gouvernement provisoires représentant "tous les éléments démocratiques des populations".
STALINE ne respectera pas cette clause. Dans les zones "libérées" par l’armée Rouge, les communistes vont réussir en trois ans, par l’intimidation, la constitution de "fronts patriotiques", la tricherie électorale et les assassinats ciblés, à prendre partout le pouvoir, pour le confisquer ensuite. Dès mars 1946, CHURCHILL, qui n’est plus au pouvoir, dénonce, dans un discours aux Etats-Unis, le "rideau de fer qui, de Stettin dans la Baltique, jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, s’est abattu sur l’Europe de l’Est". Partout, les communistes y installent des dictatures, qui prennent le nom de "démocraties populaires", et qui obéissent aux instructions du Kominform (cette organisation centrale des partis communistes vient, en 1947, ressusciter le Komintern d’avant-guerre). Plus de cent millions d’Européens se retrouvent sous le joug communiste. Les Occidentaux laissent faire.
Les élites libérales des pays d’Europe de l’est se sentent, une deuxième fois, trahies par l’Occident. Les Tchécoslovaques se rappellent la Conférence de Munich (septembre 1938), où les Anglais et les Français les ont abandonnés face aux nazis. Les Polonais se souviennent que lorsque les divisions allemandes les envahirent en septembre 1939, l’armée française resta l’arme au pied, au lieu d’attaquer le Reich sur son flanc ouest.
On ne peut pas saisir la mentalité d’esprit des Européens de l’est qui furent acculés à vivre sous le joug communiste, si l’on oublie ce sentiment très fort d’avoir été lâchés par l’Occident.
Cependant, la pénétration du communisme chez ces Européens orientaux est loin d’avoir été la même partout. Il y a des pays où elle a été facile, comme en Tchécoslovaquie. En 1938, ce pays jouissait d’un niveau de développement industriel comparable à celui de la France. La classe ouvrière y était importante et bien organisée. Les communistes obtiennent, sans tricher, 37,9 % des voix aux élections législatives de 1946. Ils attendront le coup de Prague de février 1948 pour confisquer le pouvoir et défenestreront le ministre libéral Jan MASARYK le 10 mars 1948. En Pologne, en revanche, la population n’a jamais été nombreuse à adhérer sincèrement au communisme. Ce pays était alors encore rural et catholique. Par ailleurs, les Polonais ne pouvaient pas pardonner aux Soviétiques le pacte MOLOTOV-RIBBENTROP d’août 1939 (partage du pays avec les nazis), le massacre de Katyn (assassinat au printemps1940 par le NKVD, la police secrète soviétique, de 14000 officiers polonais prisonniers de guerre), l’absence de soutien militaire lors de l’insurrection de Varsovie contre l’occupant nazi du 1er août au 2 octobre 1944.
Après la fin de la guerre, les Polonais ne connaissent la vraie histoire de leur pays que par le bouche-à-oreille. Car dans les cours d’histoire dispensés aux lycéens et étudiants, on oublie de mentionner le pacte germano-soviétique et on prétend que la responsabilité des massacres de Katyn incombe à l’Allemagne hitlérienne. On évite de s’étendre sur l’insurrection de Varsovie déclenchée par l’AK (Armia Krajowa, mouvement de résistance loyale au gouvernement de Londres), afin de réaffirmer le désir de souveraineté polonaise, à l’approche de l’armée Rouge, qui se gardera bien d’apporter la moindre aide militaire aux insurgés. La stratégie de STALINE, qui souhaitait une Pologne affaiblie, n’était bien sûr jamais évoquée ; on enseignait seulement que l’Union soviétique, le grand "pays frère", avait été le valeureux libérateur de la Pologne.
Le mensonge sur l’Histoire contemporaine a été une constante de l’enseignement scolaire et universitaire ...
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