C’est au premier tour qu’on élimine…
Par François d'Orcival
Edito. Alors que toutes les valeurs de droite se sont imposées comme des impératifs de survie nationale, les électeurs de droite ne peuvent pas être privés de leur voix au second tour.
Des quatre tours de scrutin qui nous attendent, les deux de la présidentielle, les deux des législatives, celui-ci est décisif. Les neuf premières élections présidentielles au suffrage universel direct de cette République ont montré que le premier tour était déjà une éliminatoire. Depuis 1965, la droite n’a jamais été absente du second tour, alors que la gauche l’a été deux fois. Ce n’est pas au moment où toutes les valeurs de droite se sont imposées comme des impératifs de survie nationale — la nation, la patrie, les racines, l’histoire qui constituent une identité propre au coeur de la mondialisation — que les électeurs de droite peuvent être privés de leur voix au second tour.
La droite a mis cinq ans à se reconstruire après sa défaite de 2012, une reconstruction âpre, déchirante pour tous ceux qui portaient en eux ses espoirs. Cinq années de travail pour bâtir un projet d’alternance et de rupture avec le passé. Cinq ans de scrutins intermédiaires, des européennes aux régionales, où la droite a reconquis les positions prises par une gauche qui se croyait installée au pouvoir pour l’éternité. Et c’est à cette gauche désavouée par ses erreurs, sa morgue, son sectarisme que l’on remettrait à nouveau les clés ?
La violence inédite avec laquelle a été attaquée la campagne de François Fillon, le candidat élu de la primaire, est une preuve supplémentaire de la nécessité de l’alternance et de la peur qui s’est emparée des fameuses “élites” entraînées par un glissement de terrain, comme si tout risquait de s’eff ondrer autour d’elles. Il ne fallait plus seulement démolir le projet de la droite mais détruire celui qui le défendait. Et d’une certaine manière, c’est François Bayrou qui en a fourni l’explication. Au mois de septembre dernier, au micro de Jean-Jacques Bourdin, il parlait d’Emmanuel Macron comme d’un « hologramme » derrière lequel se dissimulaient de « très grands intérêts, fi nanciers et autres, qui ne se contentent plus d’avoir le pouvoir économique, ils veulent avoir le pouvoir politique ».
À ce moment-là, la primaire de la droite n’était pas jouée, Hollande n’avait pas renoncé. Macron était encore un “phénomène”, un “ovni” de la politique. Du jour où Fillon gagne, où Hollande renonce, Macron devient le héros de la modernité, le champion de l’avenir et en réalité le candidat du sauvetage. Bayrou le rallie en fanfare. Mais cela a un prix. La gauche qui mêle argent et morale lui demande des gages. Il les lui donne — sur la colonisation, « un crime contre l’humanité », sur notre identité, « il n’y a pas de culture française », sur l’intégration, il salue les communautarismes à Marseille. Le voici devenu “Emmanuel Hollande”.
Le dimanche 5 mars dernier, alors que la tempête faisait rage, les électeurs de droite les plus déterminés prêtaient serment place du Trocadéro : celui d’être fidèles à leurs convictions jusqu’à la victoire. Celle-ci va se jouer à un, deux, voire trois points près. Mais ce n’est pas une nouveauté. En 1974, entre Giscard et Mitterrand, l’écart victorieux fut d’un peu plus de 400 000 voix ; en 1981, Mitterrand prit sa revanche avec plus d’un million de voix d’avance, mais, sans les 500 000 voix chiraquiennes qui s’étaient portées sur lui, son sort basculait ; en 2002, Chirac profi ta des 2,32 % de Taubira (660 000 voix) qui éliminèrent Jospin dès le premier tour ; en 2012, Hollande retrouva contre Sarkozy le score de Mitterrand en 1981 — ce fut encore à 600 000 voix près que se décida ce quinquennat, des voix qui manquèrent à droite.
En cette veille de scrutin, tout demeure possible et fragile. La France de droite peut-elle remettre son sort entre les mains de la gloriole sans avenir de l’un, tandis qu’elle se casserait les dents sur le programme sans issue de l’autre ? Au terme de cette incroyable campagne qui ne s’achèvera que le 18 juin, François Fillon incarne, en dépit de tout, la seule alternance possible pour rendre au pays sa liberté.
À l’écran. Le lundi à 20 heures, dans les Informés, sur Franceinfo (canal 27 de la TNT et à la radio).
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