Poutine impose l’ordre russe au Moyen-Orient
par Éric Verhaeghe
Poutine est-il le véritable maître du monde? Les dernières évolutions en Syrie montrent, en tout cas, que la Russie est parvenue à imposer sa vision du monde aux Etats-Unis et à l’Arabie Saoudite. Derrière les vociférations anti-Poutine des médias subventionnés, c’est bien une défaite en rase campagne que l’Occident vient d’essuyer en Syrie.
Poutine a finalement sauvé Assad
On se souvient que Barack Obama n’avait, en Syrie, qu’une seule idée en tête: remplacer Bachar Al-Assad par un régime sunnite piloté depuis l’Arabie Saoudite. Dans sa grande vision diplomatique digne des plus grands rois de France et du général De Gaulle, François Hollande avait d’ailleurs épousé cette même vision, stimulé par quelques ventes de Rafale aux Etats du Golfe. Que ne vendrait-on pas pour enrichir la famille Dassault?
Les mauvaises langues soutiennent d’ailleurs que les Etats-Unis et la France n’ont pas hésité à armer l’Etat Islamique, à ses débuts, pour tailler des croupières au président syrien. Là encore, cette politique très inspirée a permis de nourrir un monstre qui a fini par arracher les barreaux de sa cage.
Cette nuit, le Conseil de Sécurité a voté une résolution prévoyant des pourparlers de paix entre Assad et l’opposition, sauf les mouvements terroristes. Si, officiellement, la Russie se dit ouverte à un départ d’Assad après une période transitoire, les Etats-Unis et la France ont manifestement abandonné le préalable, posé jusqu’il y a encore quelques semaines, d’un départ de Bachar.
Poutine piétine l’Arabie Saoudite
Depuis plusieurs semaines, John Kerry s’agite à Vienne pour recoller les morceaux entre tout le monde. Cette agitation a donc servi à quelque chose: la voie est ouverte pour un règlement négocié à la question syrienne. En même temps, elle illustre la perte d’influence de l’Occident au Moyen-Orient: les Etats-Unis veulent négocier avant que la Russie n’ait définitivement imposé, sur le terrain, un rapport de force qui lui est favorable et qui permette de rétablir le régime d’Assad par une défaite militaire complète de « l’opposition ».
Le grand perdant de cette opération est évidemment l’Arabie Saoudite, qui tente désespérément de sauver ses billes sur le terrain. Non seulement les Saoudiens ont cherché à unifier l’opposition syrienne hors Daesh en organisant une conférence à Ryiad, mais ils ont tenté de monter une alliance militaire islamiste de bric et de broc pour résister à la reprise en main du territoire par l’armée syrienne épaulée par les Russes.
Pour Poutine, la prochaine étape consiste bien entendu à étouffer les mouvements islamistes soutenus par l’Arabie Saoudite et la Turquie pour créer un rapport de force totalement favorable sur le terrain et ainsi mieux négocier.
La manoeuvre est triple.
- Premièrement, l’aviation russe bombarde sans relâche l’opposition syrienne (80% des raids russes les visent, 20% seulement visent Daech).
- Deuxièmement, les négociateurs russes et iraniens ont d’ores et déjà indiqués qu’ils refuseraient que les mouvements terroristes islamistes participent aux négociations de paix. Cet anathème devrait notamment viser le mouvement Ahrar al Cham qui a jugé que la conférence de Ryiad n’avait pas assez mis en avant « l’identité musulmane » du peuple syrien, et qui est le mouvement le plus puissamment armé sur le terrain.
- Troisièmement, la Russie devrait couper les bases arrières de ces mouvements en exigeant la fermeture de la frontière turco-syrienne.
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