« En dialogue avec Laudato si’ : les marchés libres peuvent-ils nous aider à prendre soin de notre Maison commune ? »
Il est vrai que Veritatis splendor n’a pas bonne presse parmi les progressistes…
Une déclaration proprement ahurissante à plus d’un titre, et en premier lieu parce que Mgr Sorondo est un proche du pape François, chancelier à la fois de l’Académie pontificale des sciences et de l’Académie pontificale des sciences sociales. A ce titre, il a été en première ligne lors de la présentation de l’encyclique Laudato si’ qu’il évoquait en faisant sa déclaration sur le « magistère ».
Mgr Sorondo s’exprimait en ces termes lors d’un colloque de l’Acton Institute « pour l’étude de la religion et de la liberté » à Rome le 3 décembre dernier à l’université de la Sainte-Croix, sur le thème : « En dialogue avec Laudato si’ : les marchés libres peuvent-ils nous aider à prendre soin de notre Maison commune ? »
Précisons d’abord que le prélat parlait en son nom propre, et qu’il n’engage nullement le pape.
Mais ajoutons aussi qu’il ne semble pas que Mgr Sorondo ait été publiquement rappelé à l’ordre pour cette divagation publique.
Les déclarations de Mgr Sorondo ont suscité de vives réactions parmi les intervenants et les quelque 200 participants au colloque dès lors qu’il a dit : « Pour la premier fois dans le magistère, (le pape François) a dénoncé les causes scientifiquement identifiables de ce mal, en affirmant que “de nombreuses études scientifiques signalent que la plus grande partie du réchauffement global des dernières décennies est due à la grande concentration de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, oxyde de nitrogène et autres) émis surtout à cause de l'activité humaine.” »
Il devait préciser un peu plus tard : « Foi et raison, la connaissance philosophique et la connaissance scientifique sont réunies pour la première fois dans le magistère pontifical dans Laudato si’. »
Aussitôt, le président-fondateur de l’Acton Institute, le P. Robert Sirico, a rétorqué qu’il est « important de souligner la distinction entre la dimension théologique de Laudato si’ et ses assertions empiriques, scientifiques et économiques. (…) L’Eglise ne prétend pas parler avec la même autorité en matière d’économie et de sciences (…) que lorsqu’elle se prononce en matière de foi et de morale. »
Le P. Sirico a rappelé, citant le Compendium de la doctrine sociale catholique : « Le Christ n’a pas laissé à l’Eglise une mission dans l’ordre politique, économique ou social ; le but qu’il lui a assigné est religieux… Cela signifie que l’Eglise n’intervient pas dans les questions techniques avec sa doctrine sociale, pas plus qu’elle ne propose ni n’établit des systèmes ou des modèles d’organisation sociale. Cela ne fait pas partie de la mission qui lui a été confiée par le Christ. »
Cela fait partie, en fin de compte, de la distinction entre le spirituel et le temporel. Cela ne veut pas dire qu’un prêtre ou un religieux, ou l’Eglise ne saurait s’intéresser aux sciences naturelles, mais dans ces domaines elle n’a pas une autorité différente de celle des scientifiques laïques. Domaine de l’hypothèse, de l’expérimentation et de la vérification, les sciences sont ouvertes à la contestation et l’histoire est truffée de cas où ce qui faisait « consensus » à telle époque se révèle totalement erroné à la suivante, à mesure que la connaissance du monde sensible progresse.
Ce qu’enseigne l’Eglise en matière de foi et de morale, en revanche, protégé par l’infaillibilité pontificale, est incontestable, s’impose à chaque catholique et ne saurait varier.
Interrogé sur le poids des opinions du pape sur le réchauffement climatique exprimée dansLaudato si’, Mgr Sorondo a distingué entre les déclarations infaillibles, et celles relevant de son « magistère ordinaire » qui ne requièrent pas l’adhésion inconditionnelle des fidèles, même si ceux-ci doivent s’y soumettre selon un « assentiment religieux de la volonté et de l’esprit ».
L’assimilation entre l’enseignement du pape François sur le réchauffement et celui sur le caractère peccamineux de l’avortement pose pourtant la question. Le pape Jean-Paul II s’était exprimé en ces termes dans Evangelium vitæ : « C’est pourquoi, avec l'autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses successeurs, en communion avec les Evêques – qui ont condamné l'avortement à différentes reprises et qui, en réponse à la consultation précédemment mentionnée, même dispersés dans le monde, ont exprimé unanimement leur accord avec cette doctrine –, je déclare que l'avortement direct, c'est-à-dire voulu comme fin ou comme moyen, constitue toujours un désordre moral grave, en tant que meurtre délibéré d'un être humain innocent. Cette doctrine est fondée sur la loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite ; elle est transmise par la Tradition de l'Eglise et enseignée par le Magistère ordinaire et universel. »
Bien des commentateurs ont souligné le caractère particulièrement solennel de cette condamnation qui s’appuie explicitement sur l’autorité apostolique pour porter un jugement moral sur l’avortement.
Il va de soi que rien dans ce qui est dit dans Laudato si’ du réchauffement climatique ne présente une telle solennité – au contraire : le pape François rappelle que l’Eglise se doit généralement en matière scientifique de respecter la « diversité des opinions ». Mettre les deux types d’enseignement sur le même plan est déjà un abus du sens des mots.
Dans la discussion qui a suivi, Mgr Sorondo n’a pas hésité à renforcer encore sa comparaison entre gravité de l’avortement et celle du « réchauffement » : « Ce jugement doit être considéré comme faisant partie du magistère : ce n’est pas une opinion. » « C’est selon le magistère ordinaire que l’avortement est un péché grave – il s’agit du magistère ordinaire parce que cela ne résulte pas de la révélation. » Il y a une présomption de « doctrine morale » selon laquelle, même si l’opinion majoritaire va dans le sens contraire, « l’avortement est un péché grave » et que cela relève magistère.
Le journaliste Riccardo Cascioli s’est publiquement rebellé, rappelant que les catholiques n’ont pas à se soumettre à des affirmations qui relèvent de « théories scientifiques » plutôt qu’a celles disant « la foi et la morale ».
Réponse de Sorondo : « Lorsque le pape a pris cela à son compte, il s’agit du magistère de l’Eglise que cela vous plaise ou non – c’est le magistère de l’Eglise tout comme l’avortement est un péché grave – égal (c’est la même chose)… C’est le magistère de l’Eglise… Que cela vous plaise ou non. »
Cascioli a alors souligné que les catholiques devaient pouvoir suivre leur conscience à propos de question scientifiques théoriques, pour s’attirer cette réponse de Sorondo : « Si vous étiez scientifique et que vous aviez une différence sérieuse d’opinion », alors oui, « mais puisque vous êtes journaliste il vaut mieux que vous suiviez l’opinion du pape » ! Et de souligner qu’il est lui-même « au sein de l’Académie des sciences du pape ».
C’est le grand retour de l’argument d’autorité dans le domaine où il a le moins de poids, celui des sciences…
Et s’il est vrai que la foi et la raison sont étroitement liées, et que l’une ne se détache pas de l’autre sans dommage, nous en arrivons ici au point où la théorie scientifique est confondue avec la vérité de foi. Foi et raison n’ont-elle jamais été réunies dans l’enseignement pontifical ? On croit rêver. Mais il est vrai que Veritatis splendor n’a pas bonne presse parmi les progressistes… Vrai encore que la philosophie réaliste, avec ses distinctions et ses précautions méthodologiques, est devenue ringarde.
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