Un lent processus de putsch est-il enclenché contre Vladimir Poutine en Russie ?
par Florent Parmentier et Cyrille Bret
Alors que le gouvernement traverse une série de difficultés, d'ordre économique et politique, des élites du Kremlin tenteraient méthodiquement d'écarter l'actuel président de la Fédération de Russie du pouvoir.
Atlantico : D’après un article du Forbes publié le 21 août, un "lent putsch" à l’encontre de Vladimir Poutine se préparerait en Russie. Qu’en sait-on ?
Florent Parmentier : L’information peut certes paraître paradoxale à première vue. En effet, le niveau de soutien de la population à Vladimir Poutine demeure extrêmement élevé suite à la conquête de la Crimée ; plus de quatre personnes sur cinq interrogées soutiennent son action. Pourtant, le pouvoir personnel de Vladimir Poutine paraît moins assuré récemment, si l’on considère les difficultés actuelles de l’économie russe, asphyxiée par la conjonction de sanctions économiques, de la baisse du prix des matières premières et du climat des affaires.
Les difficultés politiques ne tarderont pas non plus : avant l’embellie liée à la guerre de Crimée, le parti Russie Unie avait dû faire face à des manifestations populaires importantes en 2011-2012. Les fondements de cette popularité peuvent donc s’éroder.
L’idée de l’article est donc que Vladimir Poutine se trouve aujourd’hui en face de mauvais choix, et que de nombreuses élites se trouvent moins intéressées qu’auparavant par son maintien au pouvoir. On présente souvent celui-ci comme le seul maître des lieux, alors que le proverbe russe rappelle "qu’il y a plusieurs tours au Kremlin". Le président Poutine a eu cette capacité d’arbitrer entre différents groupes d’intérêts ; le "lent putsch" consiste donc à s’attaquer d’abord à sa garde rapprochée, lui-même étant un président élu et en exercice, et dans l’immédiat encore très populaire.
Toutefois, prenons garde de ne pas oublier que la famille Romanov fêtait en grande pompe le 300e anniversaire de son accession au trône en 1913, avant de s’effondrer quatre ans plus tard… Une apparente solidité peut aller de pair avec une certaine fragilité, fût-elle imperceptible...
Des soupçons de corruption dans l’entourage de Vladimir Poutine, une économie en berne, des pressions internationales non négligeables, un isolement du pays… La Russie ne semble avoir gagné que la Crimée ces dernières années. Que reprochent à Poutine ceux qui tentent de l’affaiblir afin de l’exclure des hautes sphères du pouvoir ?
Cyrille Bret : Les difficultés de la Russie sont réelles mais circonscrites. Surtout, elles ne sont pas les mêmes que celle du président russe au sens où elles ne sont pas nécessairement portées à son débit.
Tout d’abord, l’isolement de la Russie sur la scène internationale est relatif. Les relations avec la Chine se renforcent constamment : les anciens alliés de l’ère communiste développent des projets gaziers importants depuis le printemps 2014. Ils coopèrent également en matière de sécurité et de défense au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai. En outre, la Fédération de Russie coopère étroitement avec la puissance (ré)émergente du Moyen-Orient, l’Iran, avec un contrat militaire sur les missiles SS-300 et des perspectives dans le nucléaire civil. Sur la scène internationale, les tensions avec l’Occident et le redéploiement de ses politiques d’alliance ne sont pas seulement sources de critique envers le président Poutine. Elles sont aussi portées à son crédit car elles manifestent la rivalité avec les puissances installées : Etats-Unis et Union européenne. Et elles débouchent sur la réactivation d’alliances de revers traditionnelles.
Les difficultés de l’économie russe, suscitées en partie par les cours des hydrocarbures, en partie par les sanctions occidentales ont assurément débouché sur une contraction de 4,8% du PIB au deuxième semestre 2015 par comparaison avec le deuxième semestre 2015. Elles sont promises à une accentuation en raison de l’absence de financement sur les marchés financiers. C’est le point le plus critique pour le président russe. Il ne faut pourtant pas en conclure que sa popularité est en baisse ou que son pouvoir sur les élites russes s’érode : les populations ont un sens plus aigu du sacrifice collectif au nom du prestige national et les élites russes ont depuis longtemps élaboré des stratégies alternatives.
Les difficultés diplomatiques et économiques de la Russie ne se traduiront pas dans l’immédiat par une remise en question du leadership personnel du président russe.
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