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domingo, 9 de marzo de 2014

Notre société est-elle sur la voie de l'utopie nazie ?


La France sombre-t-elle dans l’utopie ?

Par Élisabeth Caillemer




Dans Crime et Utopie, l’historien Frédéric Rouvillois dénonce à travers le nazisme les dangers de l’utopie. À certains égards, notre politique contemporaine s’engage dans une démarche similaire et pour le moins préoccupante. Entretien.

Dans votre dernier livre, vous comparez le nazisme à une utopie. De quelle utopie parlez-vous ?

Je parle de l'utopie à travers sa manifestation la plus terrifiante, mais aussi à mon sens la plus caractéristique, c’est-à-dire l’utopie qui est allée jusqu’au bout de sa folie, de sa volonté de refaire l’homme pour créer une sorte de paradis terrestre qui serait le monde nouveau ou l’Europe nouvelle dominée par la race aryenne.

Le projet utopique, tel que les nazis le conçoivent, est d’établir une société idéale dans laquelle tout le monde sera heureux en réécrivant l’histoire et en enclenchant un mécanisme de progrès, mais surtout de refaire la nature humaine en bâtissant ce que l’on appelle « l’homme nouveau » dans la rhétorique totalitaire.

Pour construire cet homme nouveau, les nazis vont employer non seulement les méthodes classiques de l’éducation, de la rééducation et du formatage intellectuel, mais aussi celles de l’eugénisme et du darwinisme mis à la mode à partir de la fin du XIXe siècle. Leur idée est de mettre en avant et de faire survivre les plus aptes, et donc d’éliminer ceux qui risquent de souiller la race en la rendant moins performante.

Les Lebensborn – les pouponnières nazies dédiées à la race aryenne - procèdent donc aussi de cette volonté utopique de créer un homme nouveau.

Les Lebensborn vont dans le sens de cette construction d’une race parfaite, avec une touche antichrétienne et anticatholique. Ces pouponnières sont le lieu où, finalement, tout est consacré à la multiplication de la race parfaite. Cette institution est typique de la SS qui se veut la pointe avancée de l’utopie nazie. Elle est conçue sous l’égide de Himmler, catholique bavarois convaincu dans sa jeunesse et devenu un antichrétien furieux. Ce dernier expliquait par exemple que le mariage chrétien était une des causes du déclin de la civilisation et qu’il fallait donc le remplacer par une polygamie organisée par l’État.

Il règne par ailleurs dans ces Lebensborn un égalitarisme totalitaire qui met sur un même niveau toutes les femmes, celles qui sont mariées et celles qui ne le sont pas. Tout le monde s’appelait madame…

Aujourd’hui, les mères porteuses sont utilisées pour fabriquer des bébés. S’inscrivent-elles dans la droite ligne des femmes des Lebensborn ?

Dans le cas allemand, seules les mères génétiquement pures peuvent accoucher et leur enfant est confié à des familles SS qui vont l’élever. C’est la même chose avec les mères porteuses, à la différence non négligeable que, dans le cas du nazisme, il s’agit d’une organisation étatique.

Si les nazis en avaient eu les moyens, ils auraient eux aussi recouru à la sélection des embryons…

Non seulement les eugénistes nazis de l’époque ne s’en seraient pas privés, mais ils ont regretté de ne pas avoir la capacité de le faire. À défaut, ils ont éliminé les enfants malformés ou handicapés en les euthanasiant. Il est intéressant de noter que l’idée d’une sélection des embryons se trouve dans Le Meilleur des mondesd’Aldous Huxley, dont la première édition anglaise date de 1931 et sa traduction allemande de 1932. Il est certain que les nazis ont eu connaissance de cet ouvrage. L’utopie eugéniste imaginée par Huxley correspond à l’idéal nazi. Au-delà même, on trouve dans les écrits de Huxley une évocation des chambres à gaz…

Peut-on opérer un parallèle entre l’utopie du système national socialiste et notre société actuelle ?

Il est possible à beaucoup d’égards de superposer les deux systèmes, en évacuant cependant les éléments les plus atroces du régime nazi comme le génocide. Dans chacun d’eux, il y a une espèce de rationalisation, une "amoralisation", une volonté de rupture avec le passé, avec la tradition et les valeurs chrétiennes. Il y a dans le nazisme de nombreux éléments que l’on retrouve avec effroi dans la politique contemporaine, dans la façon de concevoir les rapports humains, de concevoir le développement. C’est frappant.

Ne sommes-nous pas, en France, dans la configuration d’une utopie organisée au niveau de l’État ?
  • Une dimension utopique est présente dans la politique contemporaine. 
  • On constate une volonté d’arriver à un monde parfaitement égalitaire, où il n’y aurait plus de différences, où tout le monde serait heureux. 
  • La démarche utopique autorise ainsi toutes les violences, physiques, mais surtout symboliques. 
À ce titre, le mariage homosexuel est une violence symbolique faite à la tradition, à la famille, à la société, au nom de l’égalité et de la liberté. De la même façon, la manière dont les programmes scolaires sont conçus constitue aussi une violence faite à la liberté de choix des parents. Cela rejoint l’idée utopique qui considère que l’éducation des générations futures est une chose trop importante pour être laissée aux parents et à la famille.

Toucher à la famille ou à la procréation peut ainsi être considéré comme une entreprise de type utopique, dont la finalité n’a pas de limite dans le temps. D’ailleurs, ce rapport au temps, cette idée qu’un projet s’inscrit dans un temps très long sans retour possible, procède d’une démarche utopique. On avance vers un progrès sur lequel il ne serait pas possible de revenir. Il en va ainsi de la réflexion sur la possibilité ou non de revenir sur la loi Taubira. Le gouvernement et une partie de la droite ont pris acte que la loi était votée, et qu’il n’était plus possible de faire marche arrière en l’abrogeant.

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