lunes, 22 de abril de 2013

Certaines personnes affirmaient qu’il était fou, mais on trouvait que ce n’était pas un défaut si grave…

Dostoïevski, l’humour et la maison des morts


Dostoïevski est certainement le littérateur de la deuxième moitié du XIXème siècle qui a le plus compté. 

Il a annoncé la révolution russe et le nihilisme moderne à sa manière incomparable, il a inspiré Nietzsche (« c’est le seul qui m’ait appris quelque chose en psychologie »…) et inspiré des livres et des théories aux prix Nobel Camus, Thomas Mann ou André Gide. 

Il aussi inventé – toujours à sa manière – le roman policier moderne avec crime et châtiment, et même le feuilleton ou la saga familiale ! Il ne faut pas oublier que s’il a inspiré les grands auteurs, il a aussi été très populaire. Crime et châtiment se lit d’ailleurs comme un… roman.

Alors que je relis toute le temps son œuvre prodigieuse – il est comme l’Evangile, on le sent infini –, je suis toutefois frappé par les éclats de rire. L’humour de Dostoïevski, sa manière piquante et marrante d’affronter la réalité ou de narrer est quelque chose d’en effet très frappant, et sur lequel on n’a pas assez insisté.

Je vais prendre appui sur ses Souvenirs de la maison des morts qui n’annoncent pas, mais alors pas du tout Soljenitsyne. Dostoïevski a pris le parti de considérer la prison comme un lieu, dirait Nietzsche, d’où l’on ressort plus fort. La bizarrerie des situations (rappelons que la peine de mort n’existe pas en Russie tsariste, donc tous les monstres arrivent dans ce bagne), leur alacrité, leur sincérité produisant fréquemment cette sensation de drôlerie qui m’intéresse ici.

Je commence par sa présentation de la Sibérie, qui semble ici une côte d’Azur ignorée…

Ils reviennent chez eux en dénigrant la Sibérie et en s’en moquant. Ils ont tort, car c’est un pays de béatitude, non seulement en ce qui concerne le service public, mais encore à bien d’autres points de vue. Le climat est excellent ; les marchands sont riches et hospitaliers ; les Européens aisés y sont nombreux.

Quant aux jeunes filles, elles ressemblent à des roses fleuries ; leur moralité est irréprochable. Le gibier court dans les rues et vient se jeter contre le chasseur. On y boit du champagne en quantité prodigieuse ; le caviar est étonnant ; la récolte rend quelquefois quinze pour un. En un mot, c’est une terre bénie dont il faut seulement savoir profiter, et l’on en profite fort bien !


Ici l’humour naît d’un paradoxe complet : la Sibérie conçue comme un endroit de villégiature digne d’une prose de brochure publicitaire. On sent poindre l’ironie aussi…

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