martes, 4 de enero de 2022

Tout le monde est antifasciste, y compris les chrétiens... mais tous ceux qui sont classés comme fascistes ne le sont pas vraiment, et encore moins peuvent-ils être classés comme étant des nazis.


Chantal Delsol déplore « La Fin de la chrétienté »

Par Eric Delcroix - POLÉMIA 





La substitution révolutionnaire des normes morales

Contrairement à Jean-Claude Michéa, avec sa prétendue neutralité axiologique du capitalisme, Chantal Delsol réfute absolument l’argument selon lequel nous assisterions à un étiolement de la norme morale. Elle constate au contraire que nous assistons à une double inversion : « inversion normative » et « inversion ontologique » (nous reviendrons sur celle-ci infra). Pour l’auteur : « L’expérience de chaque jour nous confirme que la morale n’a pas disparu avec la chute de la Chrétienté, et même que la morale envahit tout … (…) Ni la civilisation ni la morale ne s’arrêtent avec la Chrétienté. »

Le professeur Delsol constate que les fascismes, au sens large mais national-socialisme excepté, ont été l’ultime tentative de sauver la Chrétienté, du point de vue civilisationnel, ce qu’avaient compris en leur temps Henri Massis et Charles Maurras vis-à-vis de Mussolini, Franco ou Salazar, actifs contre le « chaos nihiliste ». Chantal Delsol rappelle les mots de Spengler que se répétaient, selon Massis, les créateurs de la Phalange espagnole : « Au dernier moment, c’est toujours un peloton de soldats qui sauve la civilisation ».

Aujourd’hui, tout le monde est antifasciste, chrétiens inclus, aussi nul n’est-il forcé de comprendre les causes de l’ « agonie ou comment s’est arrivé » … Les progressismes ont gagné, mais leur matérialisme est maintenant phagocyté par l’esprit « biblico-révolutionnaire » américain…

L’inversion normative et l’inversion ontologique

« L’humanitarisme, la morale contemporaine, est une morale entièrement tournée vers le bien-être de l’individu, sans aucune vision anthropologique. Ce qui compte, c’est le désir et le bien-être, à l’instant même. » Sous influence américaine, « … l’inversion normative est menée sous l’égide de la culpabilité, ce qui la rend violente et pleine d’amertume. » Et, écrit toujours Chantal Delsol, « à partir du milieu du XXe siècle, l’Église abandonne toute prétention à peser sur la société, et même, elle commence à avoir honte de sa domination séculaire (…) Que l’Église marche dans cette combine infernale, montre à quel point elle est soumise aux circonstances. »

Mais tout ce formidable et irrésistible processus repose sur une « inversion philosophique. Il vaudrait mieux dire une inversion ontologique. »

Les Lumières ont porté, à terme historique, l’invalidation dans les esprits des fondements chrétiens de l’Occident. « Les chrétiens d’aujourd’hui, affolés devant la chute de leur influence, ont tendance à prétendre que toute morale va disparaître, avec l’effacement du monothéisme. C’est méconnaître l’histoire. » En effet, si, avec l’effacement de Dieu, la morale transcendantale certes s’étiole, en revanche une nouvelle morale se développe, produite non dans le Ciel mais dans la Cité, sous l’égide de l’État. Et c’est bien ce que nous pouvons observer, avec le nouvel ordre moral anti-discriminatoire et l’esprit woke.


Quelques réserves sur le discours de Chantal Delsol

Il faut absolument lire la Fin de la Chrétienté. Je me permets tout de même deux critiques sur cet ouvrage marquant.

D’une part, Chantal Delsol observe que « Les animateurs de plateaux de télévision sont les sentinelles et parfois les cerbères de la morale commune (…) Ils ont revêtu le rôle que jouaient les évêques il y a encore un demi-siècle. » Certes, c’est exact, mais l’auteur omet d’évoquer le rôle primordial des juges de l’État de droit, entraînés par les droits de l’homme à confondre droit et morale, à devenir des censeurs, confesseurs et persécuteurs des dissidents. (Pourtant elle a su par ailleurs critiquer très pertinemment la justice internationale[ii]).

D’autre part, l’auteur voit dans la nouvelle morale la marque du paganisme restauré, en oubliant que celui-ci fut précédemment toujours holiste et correspondait à un dessein anthropologique. En revanche, l’exacerbation de l’individualisme narcissique contemporains est l’héritage biblico-révolutionnaire du christianisme ! En effet, pour celui-ci, et ce fut une révolution pour le monde antique, le Salut ne concerne que l’individu et son moi.

Éric Delcroix
29/12/2021

[i] Éditions du Cerf, Paris, novembre 2021.

[ii] La Grande méprise, Éditions de la Table ronde, Paris, septembre 2004.


Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain, auteur de Droit, conscience et sentiments ♦ Chantal Delsol, professeur émérite des universités et membre de l’Institut, vient de publier un livre dont le titre enveloppe l’objet même, La Fin de la Chrétienté[i], sous-titré l’Inversion normative et le nouvel âge. Travail s’efforçant, sur 177 pages denses, à l’objectivité, ce qui est particulièrement intéressant de la part d’un auteur qui continue de se situer parmi « les catholiques traditionalistes ».


Lire ici  -  Source:  www.polemia.com


La fin de la chrétienté ? Avec Chantal Delsol.


https://youtu.be/5wAnI9zOLho




La fin de la Chrétienté

de Chantal Delsol

176 pages - oct. 2021

16,00€

Seize siècles de Chrétienté s’achèvent. Le temps présent connaît une inversion normative et philosophique qui nous engage dans une ère nouvelle.

La transition est brutale. Elle est difficile à accepter pour les défenseurs de l’âge qui s’efface.

De même que le vieillard tend à colorer le monde de sa propre décrépitude et à le voir décadent, de même il est des chrétiens qui, aujourd’hui, se plaisent à contempler le déclin du monde dans leur propre déclin.

Nous assistons en fait à une métamorphose. Le temps païen qui s’ouvre restaure les anciennes sagesses en même temps que les anciennes sauvageries. Le grand Pan est de retour.

L’ère chrétienne qui s’achève avait vécu sur le mode de la domination. Le christianisme doit inventer un autre mode d’existence. Celui du simple témoin. De l’agent secret de Dieu.

Professeur émérite des universités en Philosophie, membre de l’Institut, et chroniqueur au Figaro. Chantal Delsol est l’auteur d’ouvrages de philosophie, d’essais et de romans, traduits en une vingtaine de langues.

Lire ici - Source:  www.editionsducerf.fr



L'énergie incroyable avec laquelle la culture chrétienne se bat depuis deux siècles pour ne pas mourir, démontre à l'évidence qu'elle a bien formé un monde cohérent dans tous les domaines de la vie - appelé Chrétienté.

La Chrétienté, cette civilisation vieille de seize siècles est à l'agonie depuis la moitié du XXe siècle. Sa remise en cause a commencé avec la Renaissance; elle s'est poursuivie avec la Révolution française qui s'est accomplie en s'y opposant parce qu'elle était l'ennemie de la modernité:

La Chrétienté comme civilisation est le fruit du catholicisme, religion holiste, défendant une société organique, récusant l'individualisme et la liberté individuelle.

UNE RÉVOLUTION AU SENS STRICT

Dès lors son agonie était inéluctable, malgré des soubresauts dans l'entre-deux-guerres du XXe siècle. La modernité ne s'est pas traduite pour autant par le règne de l'athéisme et du rationalisme tout-puissant. L'esprit religieux, inhérent à l'homme, ne s'est pas éteint avec le progrès:

Il faut, je crois, comprendre le moment que nous vivons comme une révolution, au sens strict de retour de cycle, dans les deux domaines fondateurs de l'existence humaine: la morale et l'ontologie.

Chantal Delsol montre que nous sommes à la fois les sujets et les acteurs d'une inversion normative; et d'une inversion ontologique. C'est dire que nos préceptes moraux aussi bien que nos visions du monde - avec notre place au sein de ce monde - sont en train de se renverser.

L'INVERSION NORMATIVE

Quand le christianisme, à partir du IVe siècle, devient religion dominante, il s'impose très vite par la force, utilise une partie de ce qui existe et le transforme, puis, progressivement, pénalise le divorce, l'avortement et l'infanticide, réprouve le suicide, persécute les homosexuels.

À partir du XVIIIe siècle et de la Révolution, le mouvement inverse est initié; ce qui avait été aboli redevient la norme: la société évolue dans le sens d'une liberté individuelle de plus en plus grande. La finalité est claire: pouvoir permettre à chacun tout le possible technologique.

La morale est tournée vers le bien-être de l'individu, sans aucune vision anthropologique: ce qui compte, c'est le désir et le bien-être à l'instant même. La pédophilie, qui nuit à l'enfant, est récusée, mais pas l'IVG qui s'attaque à un être inconscient et bénéficie à la femme enceinte, etc.

L'INVERSION ONTOLOGIQUE

Cette inversion normative n'aurait pu se faire sans une inversion ontologique, au sens classique de la science des premiers principes. Or la foi dans les principes chrétiens s'est effondrée, ce qui les a rendus illégitimes: Ce qui fonde une civilisation, [...] c'est la croyance en une vérité.

Une telle inversion s'était produite quand le monothéisme juif, religion secondaire, i.e. faisant appel aux notions de révélation, de foi, de sagesse intérieure, et devant être entretenue, avait remplacé le polythéisme, religion primaire, i.e. naturelle, occupant la place si elle est libre.

Cette fois, la différence, c'est que la religion secondaire qu'est le christianisme a été rejetée et qu'au lieu de l'athéisme ou du nihilisme, c'est le polythéisme, notamment asiatique, qui s'y est substitué, répondant aux exigences générales du moment et principalement à l'égalitarisme:

Le panthéisme dans le domaine religieux, la démocratie dans le domaine politique, considèrent l'un comme l'autre l'humanité comme une grande masse dont les individus sont des atomes égaux et faibles.

L'ÉCOLOGISME

Il n'est donc pas étonnant que l'écologisme, qui est apologie de l'élan vital et de l'éternel naturel, soit, parce qu'il est lié à la défense de la nature, le polythéisme le plus prometteur pour l'homme post-moderne, d'autant qu'il efface le dualisme qui caractérise le judéo-christianisme:

La sacralisation de la nature constitue le socle religieux le plus primitif et le plus rudimentaire, celui qui vient pour ainsi dire tout seul, et dans n'importe quelle société humaine.

Aussi l'écologisme est-il une religion primaire, avec sa liturgie et ses normes morales. Alors que dans les religions secondaires, celles-ci viennent de Dieu, dans les religions primaires, elles viennent de la société humaine, i.e. issues des us et coutumes, et que l'État en est le gardien.

LA MORALE D'ÉTAT

Au tournant du XXIe siècle, l'Église abandonne son rôle de gardien des normes morales et ce dernier revient à l'État.

La nouvelle morale, commune, qui reprend et recycle les vertus évangéliques, c'est l'humanitarisme (et non pas l'humanisme qui plaçait l'homme au centre de l'univers), une philanthropie assez pleurnicharde et très victimaire, qui est dominée par l'émotion et le sentimentalisme.

Cette morale n'est plus rattachée à une religion et ignore toute transcendance. Elle est décrétée par l'élite gouvernante, qui promeut les lois pour la faire appliquer, et éventuellement la fait appliquer par injures et ostracisme. Elle est omniprésente à l'école, au cinéma, dans les familles:

Quand il faut la redresser ou lui assigner une bonne direction, c'est l'élite gouvernante qui s'en charge. Les gouvernants européens représentent à cet égard le tabernacle de la cléricature. Bref, nous sommes revenus à une situation typique de paganisme: nous avons une morale d'État.

CHRISTIANISME SANS CHRÉTIENTÉ

L'Église a honte de la Chrétienté comme pouvoir et comme contrainte et elle aspire à d'autres formes d'existence.

Le personnel de l'Église a mauvaise conscience et tombe dans la repentance, rallie les courants de pensée qui le mettent en cause, se soucie d'écologie pour se montrer moderne; une partie même glisse dans le panthéisme. Il en vient à mettre en doute l'idée de mission et de transmission.

Il est illusoire de vouloir faire perdurer la Chrétienté; les chrétiens doivent la quitter, renoncer au règne de la force: N'y a-t-il pas d'autres héros que ceux de la force? Des héros de la patience et de l'attention, et de l'humble amour? De la quotidienneté, de l'indulgence, de l'équanimité?

Pour accomplir la mission et transmettre, il n'est nul besoin de conquérir, il vaut mieux susciter l'envie de ressembler en portant tout à l'intérieur. Chantal Delsol suggère donc que nous [chrétiens] demeurions seulement des témoins muets, et finalement des agents secrets de Dieu.

Francis Richard

Livres précédents:
Publication commune avec lesobservateurs.ch

Lire ici  -  Source: www.francisrichard.net

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