jueves, 4 de noviembre de 2021

La dictature se cache partout sous les habits de la démocratie

Par nature, je questionne régulièrement mes certitudes. L’attitude d’un esprit sain n’est pas de camper sur ses positions mais de se poser la question : « et si j’avais tort ».

Parmi ces certitudes dont je dois douter, figure en bonne place celle qui consiste à croire que nous vivons une époque de folie, d’intolérance et d’incitation à la haine, une époque où les petites gens sont écrasés par des élites arrogantes et menteuses, qui s’attribuent tout le pouvoir en se riant de notre naïveté – les complotistes étant paradoxalement les plus faciles à manipuler – où la dictature se cache partout sous les habits de la démocratie et des leurres qu’elle nous distille à la télé (révélation : je suis à la télé, chez Goldnadel TV, mais je suis totalement innocent).

Je doute, car je soupçonne qu’internet et les réseaux sociaux apportent une chambre d’écho à un trait fort néfaste mais bien ancré de la nature humaine, une hostilité pas du tout nouvelle qui se libère lorsque nous sommes cachés derrière notre écran. Un comportement dont nous aurions honte dans un face-à-face. Parce que l’homme (sauf les sociopathes et les socialistes) a cette capacité de réprimer ses défauts.

Et que redécouvrais-je en parcourant les pages des « Grandes idées politiques de Jean-Jacques Rousseau à nos jours » de Jean Rouvier*, mon professeur dont j’avais tant de plaisir à user mes fonds de culotte pour assister à ses cours d’histoire du droit ?

Cette citation de Jean-Jacques Rousseau, rapportée où il parle de la haine.. des autres – des voltairiens – dans le troisième Dialogue :

«Alors ils songèrent à s’associer des hommes puissants pour devenir avec eux les arbitres de la société… Ils leur firent sentir que, travaillant de concert, ils pouvaient étendre tellement leurs rameaux sous les pas des hommes, que nul ne pût trouver d’assiette solide et ne pût marcher que sur des terrains contre-minés ! Ils se donnèrent des chefs principaux- qui, de leur côté, dirigeant sourdement toutes les forces publiques sur les plans convenus entre eux, rendent infaillible l’exécution de tous leurs projets. Ces chefs de la ligue philosophique la méprisent, et n’en sont pas estimés ; mais l’intérêt commun les tient étroitement unis les uns aux autres, parce que la haine ardente et cachée est la grande passion de tous et que, par une rencontre assez naturelle, cette haine commune est tombée sur les mêmes objets. Voilà comment le siècle où nous vivons est devenu le siècle de la haine et des secrets complots ; siècle où tout agit de concert sans affection pour personne, où nul ne tient à son parti par attachement, mais par aversion pour le parti contraire, où, pourvu qu’on fasse le mal d’autrui, nul ne se soucie de son propre bien.»

« Beau tableau, en vérité ! » commente Rouvier, qui poursuit ainsi :

Et comme il situe bien la responsabilité de Voltaire dans la préparation de la Révolution ! Certes l’auteur de l’Essai sur les mœurs a bien semé le vent de la haine. Mais le citoyen Rousseau n’en a-t-il pas fait dix fois, cent fois autant ? [JPG : et tout est là : nous voyons si bien la haine et l’intolérance des autres, si peu la nôtre].

Seulement lui n’avouera jamais. Il répétera «ce sont les autres» [JPG : quelle contemporanéité ! Trouvez-moi un socialiste, un journaliste, un politique, qui n’accuse pas toujours les autres et jamais lui-même], comme disent les mauvais petits camarades dans la cour de récréation, toujours les autres ! Et cela jusqu’au bout, jusqu’à cette manière de chef-d’œuvre final : «Je me disais en soupirant, écrira Jean-Jacques quelques mois avant sa mort, dans la Deuxième promenade des Rêveries, qu’ai-je fait ici-bas ? J’étais fait pour vivre et je meurs sans avoir vécu. Au moins ça n’a pas été de ma faute et je porterai à l’auteur de mon être, sinon l’offrande des bonnes œuvres qu’on ne m’a pas laissé faire, du moins un tribut de bonnes intentions frustrées !»

« Le bon apôtre ! » ajoute Rouvier pas dupe. « Si par impossible nous étions tentés de le croire, l’histoire de sa dernière aventure achèverait de nous éclairer. Cette histoire pourrait s’intituler : Jean-Jacques et le roi du Nord. »

Qu’est-ce qui a changé ? Rien ou si peu. Aujourd’hui comme hier, « dirigeant sourdement toutes les forces publiques sur les plans convenus entre eux, [Ils] rendent infaillible l’exécution de tous leurs projets ».

Mais, car il y a un mais d’espoir : le bien avance lentement et le mal recule. Les guerres sont moins nombreuses et moins meurtrières ; les hommes ont tous à manger – merci au capitalisme, et des médicaments – même des vaccins contre le coronavirus si vous en voulez !

Lire la suite  -  Source: www.dreuz.info

Reproduction autorisée avec la mention suivante: © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

* Catherine, sa fille, aimerait les faire rééditer.

No hay comentarios:

Publicar un comentario