lunes, 4 de octubre de 2021

Les enseignants, sous prétexte de respecter la dignité des élèves, vont être jugés sur leur façon d’accompagner l’élève transgenre.

L’école des trans : le jeu dangereux de l’Éducation nationale

Par Valérie Toranian


De l’école maternelle jusqu’au lycée (premier et second degré), l’école est priée de se mettre en ordre de marche pour écouter, accompagner et protéger les « enfants transgenres ou qui s’interrogent sur leur identité de genre ». C’est le sens de la circulaire signée Jean-Michel Blanquer, parue au Bulletin officiel du 30 septembre 2021. Une vraie victoire pour les militants trans qui veulent faire de leur combat l’étendard des luttes progressistes et du genre au XXIe siècle et qui font depuis longtemps pression sur l’Éducation nationale pour que la protection de la trans identité devienne une priorité. Il fut un temps où l’école s’occupait de transmettre les savoirs et où chacun laissait au vestiaire sa religion, son orientation sexuelle, son ethnie, son groupe. Désormais, si l’école ne reconnaît pas les particularismes identitaires et notamment de genre, elle est en faute. Ces préconisations sont celles de l’Organisation mondiale de la santé et de la Cour européenne des droits de l’homme ; elles sont déjà en vigueur dans nombre de pays et le ministère de l’Éducation nationale expliquera sans doute qu’il ne fait que se « conformer » aux nouvelles réglementations.

De quoi s’agit-il concrètement ?

– Reconnaître un « prénom d’usage » différent du prénom officiel. L’élève choisit librement un nouveau prénom et l’administration et le corps enseignant doivent en tenir compte. Sauf pour les examens nationaux où l’état-civil est seul reconnu.

– Respecter le changement de pronoms. Par exemple lorsqu’un(e) élève de sexe masculin souhaite se faire appeler « elle ». – Veiller au « respect des choix liés à l’habillement et à l’apparence », « sans consignes différenciées selon le genre ». Pas de raison de stigmatiser le maquillage, les jupes et les talons pour les élèves transgenres si on les accepte pour les filles « cisgenres » (orientation sexuelle conforme à son sexe).

– Mettre à disposition des toilettes mixtes. S’il n’y en a pas, les créer ou réserver des toilettes spéciales pour les élèves en questionnement d’identité ou trans. Ce dispositif doit aussi être respecté lors des sorties scolaires. Et, bien sûr, dans les internats.
« Les enseignants, sous prétexte de respecter la dignité des élèves, vont être jugés sur leur façon d’accompagner l’élève transgenre. Mais quelle latitude auront-ils pour critiquer, s’opposer ou juger négativement un tel désir chez l’enfant ? »
Que l’école protège les élèves victimes de comportements agressifs et violents qui auraient pour cause l’orientation sexuelle (harcèlements et insultes), rien de plus normal. Elle le fait déjà. C’est le devoir du corps enseignant de préserver à l’école son caractère de sanctuaire et de lutter contre les préjugés en formant l’esprit critique à travers l’enseignement. On rappelle qu’il y a aujourd’hui des quartiers où l’homosexualité d’un jeune peut le conduire à la mort. Mais avec cette circulaire il s’agit de tout autre chose. Les enseignants sont sommés non seulement de se former sur la transidentité et les stigmatisations qu’elle entraîne, mais ils ont aussi « le devoir d’accompagner les jeunes et de faire preuve à leur endroit de la plus grande bienveillance, de leur laisser la possibilité d’explorer une variété de cheminements sans les stigmatiser ». Face à l’élève en questionnement de genre, « il s’agit d’être attentif à ses demandes et à son vécu spécifique et de le ou la rassurer sur sa légitimité à se poser des questions. »

Accompagner la transition ou le questionnement c’est déjà valider la transition. Cette insistance sur le respect dû à l’élève transgenre exclut de fait de « questionner le questionnement ». Un enfant de 8-10-12-14 ans, mal dans sa peau, qui « cherche » son identité doit-il être orienté (et les associations prosélytes sont de plus en plus importantes sur les réseaux sociaux) vers une nouvelle identité de genre ? Le malaise autour de la puberté n’est-il pas constitutif du jeune adolescent ? Les jeunes présentant des symptômes autistiques sont surreprésentés dans les candidats volontaires à la transition. Les médecins qui les opèrent n’ont-ils pas agi à la légère en proposant des opérations irréversibles qui ne sont probablement pas la réponse à une souffrance dont les origines sont tout autres ? Un petit garçon qui joue à la poupée ou s’habille en fille, une fille qui refuse de mettre une jupe et a des comportements « virils », sont-ils vraiment en questionnement sur leur identité ? Montrent-ils les premiers signes d’une dysphorie de genre ?

Les enseignants, sous prétexte de respecter la dignité des élèves, vont être jugés sur leur façon d’accompagner l’élève transgenre. Mais quelle latitude auront-ils pour critiquer, s’opposer ou juger négativement un tel désir chez l’enfant ? On imagine sans peine qu’ils n’en auront aucune. Tout d’abord parce que la circulaire précise que ces mesures s’appliqueront uniquement si l’élève a le consentement de ses deux parents. Comment dès lors s’opposer à une décision « privée » et familiale ? S’y opposer reviendrait à faire preuve de « transphobie ». Une accusation que l’administration scolaire, adepte du « pas de vague », ne veut surtout pas endosser. Elle tremble déjà d’être accusée d’islamophobie, elle tremblera pareillement d’être accusée de transphobie. On suggère aux enseignants de ne pas aborder trop directement les questions qui fâchent (laïcité, liberté d’expression, Charlie Hebdo, enseignement de la Shoah, etc.), il ne s’agit pas d’ouvrir un nouveau front avec le camp progressiste.

Pire, on demande aux enseignants, lorsque l’enfant est en conflit avec ses parents sur son questionnement de genre, de servir d’intermédiaire pour nouer le dialogue, « accompagner » et aider le jeune. Pour résumer, lorsque l’enfant est soutenu par ses parents, on accompagne sans broncher. Lorsqu’il ne l’est pas, on convoque les parents pour « nouer » un dialogue et leur faire comprendre les ressentis de leur enfant. Mais que diable l’école est-elle allée faire dans cette galère ? Est-elle vraiment dans son rôle ?
« Lorsque l’école, socle de nos institutions, demande aux enseignants d’« accompagner » la démarche de transition des élèves, elle se fourvoie. Elle n’est ni dans son rôle, ni dans sa mission. Elle cède aux pressions des militants identitaires de genre qui veulent faire plier l’Éducation nationale. »
Dans son passionnant essai, La Question trans (Le débat/Gallimard), Claude Habib pointe notamment le malaise, voire l’incapacité des adultes à traiter sereinement la demande de l’enfant ou de l’adolescent de « changer de corps ». Les parents tremblent d’être maltraitants, de ne pas répondre favorablement à la souffrance de leur enfant. Ils peuvent être intimidés par des psychiatres qui n’hésitent pas à les culpabiliser : « si votre enfant se suicide parce qu’il n’est pas dans le “bon corps”, vous en porterez la responsabilité ». D’autant qu’en face, rappelle Claude Habib, les adolescents désireux de transitionner « se sentent moralement supérieurs aux générations précédentes » : « leurs désirs mouvants témoignent de leur capacité d’inclure ». Dans notre société woke, dégenrée et postmoderne, « pour croire qu’il n’y a que deux sexes il ne faut pas seulement être rabat-joie, il faut être borné »… Plutôt que d’attendre que l’enfant ait atteint sa majorité pour qu’il fasse librement son choix, on obtempère par lâcheté, par bienveillance mal placée. Le fait qu’un enfant ou un adolescent affirme désirer changer de sexe, d’apparence, de prénom suffit à ce qu’on s’incline devant sa volonté. Un extraordinaire paradoxe, souligne finement Claude Habib, alors que notre pays vient récemment de se pencher avec sévérité sur la question du consentement des mineurs. La loi assimile désormais à un viol tout rapport sexuel avec un mineur de moins de 15 ans, quelle que soit sa volonté déclarée. « Notre permissivité à l’égard des transitions précoces n’en est que plus étonnante. […] Un adolescent a le droit de changer de sexe mais non d’en faire usage ». (1)

Lorsque l’école, socle de nos institutions, demande aux enseignants d’« accompagner » la démarche de transition des élèves, elle se fourvoie. Elle n’est ni dans son rôle, ni dans sa mission. Elle cède aux pressions des militants identitaires de genre qui veulent faire plier l’Éducation nationale. Tout cela concerne très peu de monde dira-t-on. Mais le phénomène trans est en expansion phénoménale. Aux États-Unis, dont nous avons tendance à adopter les modes, les cliniques de transition traitent désormais des enfants à partir de 3 ans. Cette mise au pas idéologique de l’institution se fait au détriment des enfants qu’elle est censée protéger.

Alors que la campagne présidentielle débute, cette circulaire est du pain béni pour tous ceux qui critiquent la perte des valeurs et le vacillement d’une société où le fossé se creuse entre les revendications sociétales woke des nantis et les classes populaires abandonnées par la gauche et à mille lieux de leurs nouveaux combats « progressistes ».

1. L’auteur cite une remarque d’Olivier Rey dans l’émission « Répliques » sur France Culture, février 2020

Lire ici (Source: https://www.revuedesdeuxmondes.fr/ )

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