Le mythe – et la réalité – du “paradis d’Andalousie »
par Jude P.Dougherty
Dario Fernandez Morera, historien de profession aux brillantes références (y compris un diplôme de Stanford University et un PhD de Harvard) s’est attaqué dans un livre qui porte un titre saisissant, Le Mythe du paradis d’Andalousie, à un sujet dont l’intérêt est plus qu’académique.
Dans les fréquentes controverses sur l’Islam militant, nous entendons souvent parler de ce paradis, particulièrement sous plusieurs formes identifiées dès les premières pages de ce livre :
« Au niveau intellectuel l’Islam joua un rôle important dans le développement de la civilisation occidentale. »
et « Au Moyen-Âge apparurent deux Europes : l’une, l’Europe musulmane, assurée dans ses défenses, tolérante en matière religieuse, et parvenant à un degré élevé de perfection culturelle et scientifique. L’autre, l’Europe chrétienne, un espace de luttes incessantes dans lequel la superstition passait pour de la religion et où le flambeau de la connaissance crépitait faiblement. » et « Les dirigeants musulmans du passé étaient bien plus tolérants pour les peuples d’une autre foi que ne l’étaient les dirigeants chrétiens. »
De James Reston, un éminent journaliste américain, longtemps associé au New York Times, on a cette citation : « Dans les arts et l’agriculture, l’étude et la tolérance, Al-Andalusia était un phare de lumière pour le reste de l’Europe… parmi ses plus fines réalisations il y avait sa tolérance. » Reston qui n’est pas un universitaire islamique, se trouvait simplement refléter la mythologie à la mode, peut-être même la ligne éditoriale de son journal.
Fernandez utilise ces assertions et d’autres pour introduire ce qu’il considère comme la vue conventionnelle de l’Islam dans les écrits académiques et populaires dominants. Il y répond en reprenant l’examen de ce qu’il en était en réalité.
Il trouve que les presses universitaires tendent, dans l’esprit de Voltaire et d’Edward Gibbon, à perpétuer le mythe d’Islam bienveillant – au contraire de toute évidence.
La chronique que Fernandez propose au contraire commence dans la seconde moitié du VIIe siècle quand les armées du calife Abou Bakr venues de l’Arabie et du Moyen Orient commencent leur progression à travers les zones côtières de l’Afrique du nord tenues par l’Empire gréco-romain (byzantin) chrétien. L’Afrique du Nord avait été largement chrétienne depuis les débuts du IVe siècle. Ce fut le pays de Tertullien, de saint Cyprien, de saint Athanase d’Alexandrie, et de saint Augustin d’Hippone. Quelques historiens présentent cette conquête comme une migration de peuples. Au contraire, Fernandez montre au-delà de tout doute que l’islam est venu d’Arabie comme un mouvement conquérant avec comme but ultime la domination du monde. Et il a les textes pour le prouver.
Conduits par Musa Ibn Nusayrî, gouverneur de l’Afrique du Nord, les armées berbères traversèrent le détroit de Gibraltar en 711. La conquête de l’Espagne qui suivit ne prit que dix années. Trois cent cinquante ans de gouvernement des Goths dans la péninsule ibérique prirent alors fin. Les Arabes devaient rester jusqu’à la fin du XVe siècle.
Musa ibn Nusayrî donna aux Hispano-Wisigoths vaincus trois options : 1) se convertir à l’Islam ; 2) se soumettre comme dhimmis à la suprématie islamique et payer tribut ou 3) être tués (dans le cas des hommes) ou réduits en esclavage (dans le cas des femmes). Les envahisseurs brûlèrent des villes, dévastèrent la campagne, détruisirent des églises et pillèrent les bibliothèques et les trésors diocésains dont ils firent leur butin.
Fernandez puise dans de multiples sources, à la fois musulmanes et chrétiennes qui chroniquent la brutalité de la conquête islamique. Les communautés juives, découvre-t-il, se mirent habituellement du côté des envahisseurs et on leur donna le rôle de gardiens des cités importantes quand elles furent tombées au pouvoir des armées musulmanes. Un cas typique, Tolède, capitale des Wisigoths, n’offrit aucune résistance. Musa néanmoins exécuta 700 notables et y laissa ensuite les juifs en charge quand il partit pour Guadalajara.
Fernandez est particulièrement exaspéré par Houghton Mifflin et son Across the Centuries [A travers les siècles], un manuel scolaire qui enseigne aux enfants que le jihad est « un combat intérieur » qui presse le fidèle « de faire de son mieux pour résister à la tentation et triompher du mal. »
Il montre que c’est un pur non-sens. Les textes légaux de l’Ecole Maliki de Loi islamique ne parlent pas de « combat spirituel intérieur ». Ils parlent plutôt de la guerre théologiquement recommandée contre les infidèles, un « combat sacré » ou une Guerre Sainte.
Ibn Khaldun, historien et philosophe du XIVe siècle respecté, cité par le pape Benoît XVI dans son fameux Message de Ratisbonne a reconnu l’indivisibilité des motivations religieuse et séculière de ceux qui exercent au plus haut niveau le pouvoir dans l’Islam.
Fernandez prend la précaution de dire que ces vérités de l’histoire ne sont pas destinées à condamner les musulmans d’aujourd’hui, ou les chrétiens, ou les juifs. Il ne parle pas d’un « choc des cultures », bien qu’on ait tendance à penser que ce choc est amplement démontré par la brutalité de la conquête islamique. Il se contente de remettre l’histoire à l’endroit.
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