Par Jean-Claude Bésida
Au lendemain de la signature des accords de Minsk sur le cessez-le-feu en Ukraine, une question demeure : que veut Vladimir Poutine en Ukraine ? Les réponses de Frédéric Pons, journaliste, spécialiste des questions de défense, qui vient de signer une biographie du président russe.
- Quelle analyse faites-vous de l’accord de cessez-le-feu signé à Minsk le 12 février ?
Cet accord est un copier-coller de Minsk 1 de septembre 2014. C’est un accord transitoire qui cherche à mettre en place un cessez-le-feu. Il est basé sur un compromis : les Ukrainiens ont dû accepter ce que voulait Moscou : plus d’autonomie pour les séparatistes du Donbass. Par ailleurs, ils ont marqué un point : le contrôle de la frontière orientale est assuré par la Russie et échappe à Kiev. En échange, les Russes ont dû accepter de retirer leurs canons et de cesser l’offensive en cours où ils avaient l’avantage.
- Fondamentalement, que veut Poutine en Ukraine ?
Outre l’objectif territorial que représente la Crimée, il a un objectif stratégique : empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’Otan. C’est une constante. Pour cela, il entretient délibérément et à petit feu des troubles dans l’est du pays. La Russie ne veut pas d’Otan à ses frontières. Or, face à lui, la position européenne est ambiguë. D’un côté Français et Allemands sont d’accord, mais d’autres pays non. Et aux États-Unis, une partie du Congrès pousse à cette adhésion.
- Soldats sans insignes, armes lourdes maniées par des militaires au statut incertain : en Ukraine, Vladimir Poutine a-t-il inventé une nouvelle manière de faire la guerre ?
Poutine fait de la politique. Et il la fait en jouant sur tout le spectre de la puissance – l’armée, les services, la propagande, le mensonge, la dissimulation. Ces outils ne sont pas nouveaux et sont utilisés depuis la nuit des temps. Il a constamment un coup d’avance sur ses adversaires. On voit bien qu’il prend de court l’Otan, qui fonctionne en mode binaire et purement militaire.
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Entretien avec Frédéric Pons, auteur d'un livre sur Poutine
par Flora Moussa et Evguenia Chipova, RBTH
Rédacteur en chef « Monde » du magazine français Valeurs Actuelles, Frédéric Pons vient de publier une biographie du président russe, parue aux éditions Calmann-Lévy. RBTH a interrogé l'auteur sur les buts de son œuvre et sur sa perception de Vladimir Poutine
- Pourquoi avez-vous choisi, en tant que Français, d'écrire une biographie de Vladimir Poutine et quel était votre message, avant tout à vos confrères, car je crois que ce sont avant tout eux qui sont votre public cible ?
Je n'ai pas écrit pour mes confrères mais pour le public français qui est souvent mal informé par les médias sur Vladimir Poutine, sur sa personnalité, son histoire personnelle, sa politique et l'état de la Russie d'aujourd'hui. Poutine est célèbre mais mal connu. Après avoir beaucoup travaillé sur ce sujet en tant que journaliste, j'ai voulu approfondir mes connaissances, compte tenu du rôle majeur de la Russie dans les relations internationales depuis quelques années, en Europe, en Syrie ou en Iran. Je peux dire que Vladimir Poutine est souvent victime d'approximations et de caricatures dans les médias occidentaux et même chez de nombreux chercheurs, comme s'il fallait à tout prix l'ostraciser pour avoir accès aux tribunes publiques.
- Votre attitude a-t-elle changé au cours de vos recherches sur son identité ?
Je peux dire que j'ai été surpris par le conformisme ambiant de la classe intellectuelle occidentale sur Vladimir Poutine. Les portraits sont la plupart du temps à charge. Il est très souvent victime d'approximations et de caricatures dans les médias occidentaux et même chez de nombreux chercheurs universitaires, comme s'il était de bon ton ou prudent pour poursuivre ses recherches de charger cette personnalité. Par ma formation d'historien, formé à l'université de la Sorbonne, et mon métier de journaliste, formé à l'école exigeante et à l'indépendance d'esprit de Valeurs Actuelles, je n'ai pas voulu me situer dans ce courant dominant.
Mon portait n'est ni à charge ni à décharge. Il se veut lucide et réaliste, avec l'ambition aussi d'être constructif. J'ai cherché à mieux connaître et à mieux comprendre Poutine et la Russie afin de pouvoir, le moment venu, aider mon pays à renouer un partenariat qui me semble essentiel entre l'Europe et la Russie. Les deux entités sont complémentaires, sur tant de plans.
- Selon vous, quels aspects de la personnalité de Vladimir Poutine restent méconnus par les Européens, notamment les Français ?
On connaît mal, surtout en France, la vraie personnalité de Poutine, façonnée par son enfance solitaire et secrète, par sa ville de Saint-Pétersbourg, par son goût du judo qui lui a forgé bien plus que des muscles : un vrai mental de combat, fait pour le combat mais aussi pour la négociation. On surestime largement sa carrière au KGB qui a été, somme toute, subalterne et sans relief. On sous-estime l'impact de la guerre en Tchétchénie qu'il a gagnée en affrontant, quinze ans avant nous, les mêmes ennemis islamistes que la France et les États-Unis combattent aujourd'hui au Sahel ou en Irak.
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