Houellebecq et la psychologie de la décadence
Pour Mathieu Bock-Coté, Soumission de Michel Houellebecq tient plus d'une fable racontant la faillite spirituelle d'une civilisation que d'un programme politique.
Soumission, de Michel Houellebecq, a fait scandale. Et pas qu'en France. Mais comme d'habitude, la plupart de ceux qui ont parlé du livre n'ont pas pris la peine de le lire. Un chroniqueur culturel bien en vue de Montréal, qui se pique de branchitude et cherche péniblement à prendre la pose desInrocks, a pris la peine de nous mettre en garde contre lui, comme autrefois, on prévenait le lecteur des mauvais ouvrages qui se trouvaient à l'index, tout en reconnaissant ne pas l'avoir lu. Cela n'a pas scandalisé grand monde. C'est qu'il suffit d'avoir une mauvaise réputation pour se retrouver parmi les proscrits, ceux qu'on ne peut lire que sous cape, ceux qu'il suffit de mentionner positivement sans réserves ni prudences pour être marqués avec eux.
Apparemment, le livre porterait sur la soumission de l'Europe à l'islam. Ce n'est évidemment pas faux, mais ce n'est pas l'essentiel. Houellebecq y poursuit plutôt sa grande enquête sur la déliquescence de l'Occident qui l'amène chaque fois à voir comment l'homme contemporain, qui ne se sent plus capable de porter son histoire, en plus d'être fondamentalement dérouté, est tenté de s'abolir d'une manière ou d'une autre, qu'il s'agisse d'une mutation anthropologique, comme c'était suggéré dansLes particules élémentaires, d'un repli hédoniste dans le tourisme sexuel dans Plateforme, ou dans la réduction de la France en parc d'attraction, dans La carte et le territoire. Ici, le propos est politiquement tourné. C'est dans la soumission à une civilisation extérieure virile, sure d'elle-même et dominatrice que l'Europe entend enfin trouver son repos. Autrement dit, ce livre parle moins d'une submersion démographique que d'une faillite spirituelle.
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