jueves, 28 de agosto de 2014

ANNIVERSAIRE 1778-1978 : VOLTAIRE ET ROUSSEAU


Le railleur contre le faiseur de système

par Aimé MICHEL


Il y a tout juste deux siècles, à quelques mois d’intervalle, mouraient les deux vrais maîtres des temps modernes : Rousseau et Voltaire.

Les deux vrais maîtres, bien plus révolutionnaires et puissants sur nos esprits et sur l’histoire que Marx et Freud, qui règnent, certes, du moins un moment encore, mais sur les ruines laissées derrière eux par les deux grands idéologues du XVIIIe siècle.

Je ne sais plus qui a écrit que Rousseau, « du moins, demeure dans un XVIIIe siècle complètement déchristianisé comme le dernier pitoyable témoin du Christ ». Il est vrai que quand je lis la Profession de foi du Vicaire savoyard (dans l’Émile) [1], je me dis, comparant avec tant d’homélies anarcho-éco-freudo-marxiste, qu’il me faut comme vous écouter sous les voûtes de nos églises et même à nos enterrements [2] : « Comme il parle bien ! quel bon chrétien ! quelle belle religion ! quelle piété ! », tant il est facile de toujours trouver des comparaisons consolatrices. Plût au ciel que l’on nous fît toujours des prêches aussi chrétiens que celui du Vicaire !
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Mais dans la Profession de foi du Vicaire Savoyard, les contemporains ne virent pas ce qui restait du christianisme : ils ne virent que ce qui en était effacé, et avec quelle éloquence !

De plus, cette Profession ne pouvait être lue séparément. Comme Rousseau le répète sans cesse dans ses Confessions et encore plus dans le Contrat social, sa pensée forma un tout, « il ne peut pas dire tout à la fois », tout se tient, et il faut tout lire.

Il faut lire d’abord et surtout le Contrat social, puisque c’est la société que Rousseau entendait renouveler.

Le Contrat, avec son style de Code civil, a toutes les apparences d’un Traité. On croirait lire un Chat fourré plus éloquent qu’il n’est ordinairement permis à un Chat fourré. Puissance insondable du génie ! On lit le Contrat, on est emporté par sa logique oratoire, on croit n’avoir retenu qu’elle, on se croit converti à des idées, et que s’est-il passé en vérité ?

Il s’est passé ceci qu’au-delà des idées seules exprimées, on sort de cette austère lecture le cœur à jamais transformé par un sentiment, ou plutôt un ressentiment : que si la société est malade, boiteuse, injuste, criminelle, il est facile de la transformer – précisément en se conformant aux principes si simples et évidents duContrat – que si cette réforme si raisonnable se heurte à des résistances, c’est parce qu’il peut y avoir parmi les hommes des ennemis du peuple, et que ces ennemis du peuple, il faut « les tuer », c’est expliqué bien clairement (Livre II, chap. 5).

Le Contrat expose avec la dernière clarté les deux principes fondamentaux de toutes les Terreurs de l’histoire depuis deux siècles, et en particulier les deux principes irréfutables du stalinisme :

1. La société « idéale » doit détenir une « puissance souveraine », qui n’a « nul besoin de garant envers ses sujets parce qu’il est impossible que le corps veuille nuire à ses membres ».

2. Inversement (et par voie de conséquence), celui qui s’oppose à la puissance souveraine est un « malfaiteur », la conservation de l’État « est incompatible avec la sienne, il faut que l’un périsse », ils sont mutuellement en état de guerre, « et c’est alors que le droit de la guerre est de tuer le vaincu ».

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