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viernes, 24 de octubre de 2014

La fin de l'empire d'Occident: l´angoisse des peuples devant la perspective de leur propre disparition


Ce que nous enseigne 
la chute de l'Empire romain





FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - A l'occasion de la sortie du livre de Michel De Jaeghere, Les Derniers jours, le directeur du Figaro Histoire raconte la chute de Rome, et en cherche les causes profondes. Michel De Jaeghere est journaliste et écrivain. Il dirige le Figaro Hors-Série et le Figaro Histoire. Son dernier livre, Les derniers jours (Les Belles Lettres), vient de paraître.

Glisser du journalisme à l'histoire est devenu pratique courante. Pour certains, le passage est expéditif. Avec des risques de confusion entre l'instantané et le temps long. PourMichel De Jaeghere, l'exercice est sérieux. Classique, sans mélange des genres. Au huitième étage de l'immeuble du boulevard Haussmann où se tient Le Figaro, il assure la direction du Figaro Hors-Série et du Figaro Histoire. Mais il s'est donné les moyens d'ajouter à l'activité du journaliste celle de l'historien. Et, au terme d'une quinzaine d'années de travail, il donne ce gros livre, Les Derniers Jours, consacré à la fin de l'Empire romain d'Occident. Il a lu les sources littéraires et juridiques, dépouillé les rapports archéologiques, visité les lieux, en particulier Rome, rencontré des historiens de profession, analysé leurs études, leurs travaux et leurs articles, les a organisés et médités pour se forger une idée personnelle de ce phénomène qui fascine les hommes depuis la Renaissance. Du journalisme, il a conservé l'écriture et le souci du lecteur. Le résultat? Ces six cents pages, denses mais vivantes, surprenantes parfois, qui poussent à la réflexion et où chacun aiguisera cette qualité dont les Anciens se méfiaient souvent: la curiositas.

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Pourquoi cette passion?

Les humanistes de la Renaissance découvrirent l'Antiquité romaine à partir des textes littéraires et des œuvres d'art exhumées du sol de l'Italie. Ils furent les premiers à se demander comment une civilisation aussi éclatante avait pu disparaître, et pourquoi. L'histoire leur donnait l'occasion de se démarquer des Barbares du Nord et des Grecs de Byzance, mais aussi d'exalter leur propre puissance créatrice, qui aurait renoué, par le naturalisme, avec ce glorieux passé, après les temps obscurs de ce qu'on commençait à appeler le Moyen Age.La chute de l'Empire romain d'Occident est, selon Eduard Meyer, un historien allemand du début du XXe siècle, «l'événement le plus intéressant et le plus important de l'histoire universelle». Elle n'a jamais cessé, depuis Pétrarque, de susciter l'intérêt des lettrés et des érudits. La disparition d'un édifice millénaire, qui avait été porteur d'une civilisation prestigieuse, et avait réuni sous un même sceptre les peuples de tous les rivages de la Méditerranée, ne pouvait manquer de frapper les imaginations. Toutes les époques se sont demandé si le destin de Rome ne pourrait pas, un jour, devenir le leur. Quelque précaution que nous prenions en effet pour éviter tout anachronisme, nous interrogeons nécessairement le passé en fonction du regard et des questions que nous portons sur notre temps. C'était déjà vrai aux XVe et XVIe siècles lorsque la chute de l'Empire romain suscita de fertiles interrogations parmi les intellectuels et les artistes européens. Avant eux, les contemporains de la catastrophe, qu'ils soient païens (comme Eunape et Zosime) ou chrétiens (Orose, Salvien), avaient cherché à donner une signification à ce traumatisme. Les uns y voyaient les effets de la colère des dieux abandonnés du paganisme ; les autres l'interprétaient comme le châtiment des péchés d'un monde qui n'était devenu chrétien que de nom.

Au XVIIIe siècle, à l'époque des Lumières, la réflexion se prolonge. Elle porte la trace des idées dominantes. Montesquieu incrimine un despotisme peu soucieux des corps intermédiaires, qui aurait eu raison du patriotisme romain en ruinant l'influence des familles aristocratiques sur lesquelles avait reposé l'esprit républicain. Pour Voltaire, le coupable de la chute de l'Empire romain est tout trouvé: c'est le christianisme, qui aurait désarmé l'empire en détournant ses citoyens de la défense de la cité terrestre, pour ne les occuper que des affaires du ciel. Le procès sera instruit avec une érudition incomparable par l'historien britannique Edward Gibbon dans son fameux Déclin et chute de l'Empire romain. L'allemand Herder assurait au même moment ses compatriotes que les invasions germaniques avaient été un immense bienfait. Qu'elles avaient renouvelé le monde, en insufflant l'énergie des peuples de la forêt et de la steppe à une civilisation épuisée.

Dans la multitude des explications de la fin de l'empire d'Occident (Alexander Demandt en a recensé 210, qui vont de l'apathie suscitée par la pratique des bains chauds à l'empoisonnement par le plomb des canalisations!) s'exprime une même angoisse des peuples devant la perspective de leur propre disparition.Le XIXe siècle marque à la fois l'avènement d'une histoire critique, qui cesse de prendre pour argent comptant les témoignages des seules sources littéraires, et la multiplication des grilles idéologiques qui s'efforcent de plier la complexité du réel à une explication susceptible de justifier les orientations politiques de leurs auteurs. Les savants de tous pays collationnent les causes, alignent les hypothèses, jusqu'à épuisement. Au XXe siècle, les essais se multiplient, avec, sous-jacente après la Première Guerre mondiale, la méditation angoissée de l'aphorisme célèbre de Paul Valéry: «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.» Deux livres ont fait le point sur ces travaux, celui de Santo Mazzarino, La Fin du monde antique. Avatars d'un thème historiographique, et celui d'Alexander Demandt, Der Fall Roms (la chute de Rome): le premier en 1959, le second en 1984.

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